Lorsqu’on interroge les travailleurs et les travailleuses, la priorité invoquée par la vaste majorité est la vie familiale et le couple. Conséquemment, le deuxième point sur la liste est les horaires de travail (p. 170). Que ce soit pour les femmes ou les hommes, on en vient irrémédiablement à la conciliation travail-famille qui se conjugue plutôt pour eux et elles en conciliation «FAMILLE-travail». Et, soyons-en heureux et heureuses, même si les mères sont encore majoritaires à adapter leur horaire professionnel pour des raisons familiales, les pères sont de plus en plus nombreux à faire des choix pour s’assurer d’être là pour leurs enfants.

Pourtant, malgré cette priorité qui semble claire et les efforts faits par les entreprises pour assouplir les horaires de travail, la première Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans trace un portrait affligeant du stress parental : «Près de la moitié des parents (48 %) ont souvent ou toujours l’impression de courir toute la journée pour faire ce qu’ils ont à faire» (p.63). Malheureusement, j’aurais aimé vous dire que cela s’expliquait par le jeune âge des enfants, mais les recherches indiquent plutôt que le stress augmente au fur et à mesure qu’ils grandissent (l’entrée à l’école, le frère et la sœur qui s’ajoutent, l’adolescence, etc.) (p.65).

«Près de la moitié des parents (48 %) ont souvent ou toujours l’impression de courir toute la journée pour faire ce qu’ils ont à faire»

Cela étant dit, revenons à PKP. Faisant ma thèse sur les pères et leur utilisation des congés parentaux, je suis toujours émue quand un personnage public affirme haut et fort l’importance de sa famille. Que ce soit Julie Snyder la veille à Tout le monde en parle qui mentionnait la médiation essentielle pour minimiser l’impact d’une séparation, ou la voix serrée de Pierre-Karl Péladeau qui affirmait : «Et j’ai choisi ma famille», nous avons tous et toutes été touché-e-s de le voir prendre le parti de ses enfants.

Mais pourquoi était-il nécessaire qu’il ait à choisir entre sa famille et un emploi que, visiblement, il appréciait? Je suis moi aussi mère, je multiplie les contrats et je vois approcher la fin de mes études à temps plein. Le message de PKP qui renonce m’émeut, mais m’avertit : attention, certains emplois sont incompatibles avec la famille. La politique, c’est une catégorie de plus à ajouter à ma liste. On m’a dit qu’être professeure à l’université, c’était également une mauvaise idée. Et on m’a précisé qu’accepter un poste de cadre exigerait définitivement le sacrifice de ma famille. Combien d’autres domaines font la vie dure à l’articulation entre le travail et la famille? N’est-ce pas l’une des raisons qui expliquent l’hésitation de certaines femmes lorsqu’elles sont (enfin!) sollicitées pour faire partie d’un conseil d’administration?

J’en comprends qu’en politique ou dans tout autre domaine exigeant de longues heures, il est préférable d’être célibataire ou grand-parent.

J’en comprends qu’en politique ou dans tout autre domaine exigeant de longues heures, il est préférable d’être célibataire ou grand-parent. Or cela crée un biais non négligeable, particulièrement en démocratie. Qui sont les députés qui parlent pour les parents quand on discute de politiques familiales si les gens les plus investis auprès de leur famille démissionnent ou ne se sont jamais présentés? Après, peut-on se surprendre que le gouvernement Couillard impose aux enfants de moins de 5 ans de puncher leurs jours à la garderie, comme tout bon ouvrier à l’usine, au risque de perdre leur place? Que ça prenne une pétition pour rappeler aux députés que ça n’a pas de bon sens?

Ça ne bouge pas : pour les postes de pouvoir, la famille est un handicap. Il faut choisir le sacrifice de l’un ou de l’autre. Pour changer cela, il faut travailler de l’intérieur. Alors espérons que les vœux de Véronique Hivon, qui souhaite consacrer une journée par semaine à sa famille même en campagne, fassent avancer les choses. Il est plus que temps.