D’autant qu’ils étaient six fois moins dans le stade pour ce rendez-vous sans lendemain, et ils ont fait six fois plus de bruit. Ils étaient confiants, ils étaient très confiants. Le pari a été gagné…

David Champagne

Oui, Paris gagnée. Et ce soir, encore, le Portugal a brillé sous les lumières du stade, cette fois sans son joueur étoile, mais avec le support, entre autres, de la femme assise juste à mes côtés. Petite, convaincue, habillée de rouge, de noir et de vert, elle ne s’est levée qu’une fois. C’était à la 109e minute, un cri strident, mais bref. Un but. Enfin un but. Puis, elle a repris sa place, a serré son petit drapeau dans ses mains et n’a plus que regardé le ciel, comme si, derrière les lumières du stade, quelqu’un, quelque chose, quelque part avait lui ou elle aussi un mot à dire.

Au même moment, d’autres yeux se sont fermés. Beaucoup d’autres yeux. Une bonne partie de la foule du stade venait en fait de comprendre qu’à moins d’un miracle, elle devrait bientôt se démaquiller dans l’obscurité et retirer ce bleu, ce blanc et ce rouge de leurs joues, sans le sourire de la victoire. Paris perdue…

Oui, Paris perdue, en cet instant où plusieurs ici espéraient tellement se réunir toute la nuit, le lendemain et dans toutes les mémoires des enfants de cette patrie, sur les Champs Élysées, pour saluer la grandeur des leurs. Grizou, Pogba, Giroud n’y seront pas parce que, sous les lumières du stade, avant, pendant et après la 109e minute, ils ne sont pas parvenus à éblouir.

Arrive à la 120e et dernière minute de ce match; la joie, la peine, l’extase, la déception, la fin.

Dans les 30 derniers jours, j’aurai vu de Venise les Italiens gagner, j’aurai vu de Katowice les Polonais rivaliser avec les Allemands, j’aurai vu sur leurs terres les Irlandais du Nord, de même que les Irlandais de Dublin se qualifier pour la suite de la compétition, j’aurai vu à Bruxelles des Belges en colère, parce qu’éliminés, j’aurai vu à Reykjavik les Islandais faire communion avec leur équipe, même dans la défaite.

Dans les 30 derniers jours, j’aurai vu de Venise les Italiens gagner, j’aurai vu de Katowice les Polonais rivaliser avec les Allemands, j’aurai vu sur leurs terres les Irlandais du Nord, de même que les Irlandais de Dublin se qualifier pour la suite de la compétition, j’aurai vu à Bruxelles des Belges en colère, parce qu’éliminés, j’aurai vu à Reykjavik les Islandais faire communion avec leur équipe, même dans la défaite.

30 jours à vivre l’Euro et l’Europe de même qu’à observer, à écouter, à respirer avec le temps et les gens.

Il en reste une image d’un monde qui se cherche comme il s’est toujours cherché, qui a peur par moment, qui vote aussi pour exprimer sa peur, qui espère beaucoup, qui ne sait trop quoi offrir en échange, qui ne sait également plus trop sur quoi miser, comment miser, si la mise en vaut la peine…

J’en garde bien sûr de nombreux souvenirs, dont celui d’un quai de gare à Berlin avec un nouvel ami, d’une nuit à écrire et réécrire à Londres, d’un moment où j’ai, moi aussi, levé les yeux vers le ciel à la 109 minutes, pour les arrêter juste à la hauteur des lumières du stade, en me disant que, voilà… le voyage est presque terminé. Ne reste plus qu’à éteindre.

Bien sûr, je n’oublierai pas que, ce soir, le Portugal a gagné. Ce furent de très beaux moments, ce fut un superbe périple. Merci la vie. Parti, partie, parti(es)…

«Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois…»
– Albert Camus

Parti(es) – Juin et juillet 2016 – Écrit au Canada, puis en France, Italie, Slovénie, Pologne, République Tchèque, Autriche, Slovaquie, Irlande du Nord, Irlande, Angleterre, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Islande.