Le 9 août prochain, plusieurs milliers d’activistes communautaires et militant-es altermondialistes d’à travers le monde se dirigeront vers Montréal pour le Forum social mondial. Leur but? Rien de moins que de changer le monde.
Le Forum social mondial, le plus grand rassemblement régulier d’altermondialistes au monde, s’ouvrira le 9 août à la Place des Festivals avec une grande marche et un rassemblement d’ouverture. S’ensuivra une semaine de conférences et d’ateliers qui porteront notamment sur les droits des autochtones, la gestion durable de ressources, l’accès aux services publics, la place des personnes LGBTQ, les relations interculturelles et de nombreux autres enjeux.
Ces activités sont pour la plupart autogérées et organisées par les centaines d’organismes communautaires participants. Le forum organise également des conférences avec des militant-es établis de divers domaines. Une grande assemblée dans le Parc Jarry le 13 août rassemblera les participant-es dans un seul espace de partage. «Le forum en soi ne porte pas une seule cause, c’est plutôt un rassemblement de groupes qui portent une cause ensemble. Tous les organismes qui ont proposé des actions viendront discuter de la faisabilité de leurs idées pour qu’ensemble, on construise un plan d’action global et des propositions concrètes pour améliorer la planète», élabore le co-organisateur du forum, Raphaël Canet, chargé de cours en sociologie à l’UQAM.
«Ce forum est le seul espace qu’on a en tant que société civile pour se retrouver tous ensemble et construire une mondialisation différente sous forme de solidarité», poursuit-il. «Les gens ont l’occasion de se voir, et de constater que la solidarité internationale existe vraiment.»
Pour Raphaël Canet, cette solidarité est de plus en plus nécessaire, alors que les inégalités sociales croissantes menacent la sécurité de tous et de toutes. «On n’a jamais produit autant de richesse concentrée entre si peu de mains. Il y a de nouveaux pharaons qui se sont créés mais il y a une masse de gens qui n’ont rien du tout. Quand les gens n’ont aucune alternative, ils se tournent vers une logique de désespoir, et c’est là qu’on voit le crime et le terrorisme apparaître. On veut trouver des solutions pour donner de l’espoir aux gens.»
Au FSM, il n’y a pas de hiérarchie ni de bilan officiel. Même si la démarche du forum parait anarchique par moments, elle a apporté son lot de conséquences concrètes. «Le commerce équitable et les budgets participatifs — où la population locale participe à l’investissement des fonds municipaux— ont été beaucoup soulignés lors des FSM, et ils deviennent maintenant de plus en plus généralisés», précise Juan-Luis Klein, professeur de géographie à l’UQAM qui a mené des recherches sur le rôle du Forum.
En territoire nouveau
Il s’agit du premier FSM organisé dans un pays du Nord. Les trois premiers, de 2001 à 2003, se sont tenus à Porto Alegre, au Brésil. Les deux éditions précédentes, en 2013 et 2015, ont eu lieu à Tunis. La décision d’organiser une édition à Montréal a été prise il y a trois ans. «On était juste après le mouvement étudiant de 2012, et beaucoup de gens s’étaient mobilisés. Il y avait beaucoup d’énergie. Il fallait l’utiliser pour se mobiliser sur d’autres questions», explique Raphaël Canet.
«Montréal et Québec ont toujours eu une très forte présence au Forum social mondial», ajoute Juan-Luis Klein. «Les mouvements sociaux ont toujours eu une grande importance au Québec. On n’a qu’à penser au fonds de solidarité de la FTQ ou à celui de la CSN, établis par des syndicats pour conserver les emplois. Les centres de la petite enfance, qui ont commencé comme des garderies communautaires dans les quartiers de Montréal, sont aussi un bon exemple. On a des choses à montrer au monde.»
Cependant, l’organisation du forum au Canada peut pourrait avoir une conséquence sur la diversité des participant-es, selon Safa Chebbi, chargée des services aux personnes participantes. Les organisateurs et organisatrices ont fourni des lettres de soutien pour les demandes de visa à quelques 2000 participant-es provenant principalement d’Haïti, de l’Iran et des pays africains. Un sondage effectué auprès de 243 personnes appelées à participer au Forum a révélé un taux de refus de 70%. L’incertitude quant aux dates du départ était le motif du refus le plus fréquent. Or, un billet d’avion aller-retour fait partie des documents exigés pour un visa canadien dans de nombreux pays. «Nous pensons que les refus ne nuiront pas à l’image des forums sociaux mondiaux. Par contre, nous pensons plutôt que cela va nuire à la crédibilité d’un pays comme Canada, qui a raté une opportunité en or de montrer son ouverture en perpétuant les pratiques de l’ancien gouvernement», se désole Safa Chebbi.