Course à la chefferie du PQ

Martine Ouellet, l’audacieuse

Pour la seule candidate à proposer un référendum dans un premier mandat, si la souveraineté n'est pas une priorité, le PQ vivra un recul.
Gracieuseté

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Martine Ouellet n’a pas froid aux yeux. La seule candidate à la direction du Parti Québécois (PQ) à promettre un référendum dans un premier mandat n’est pas donnée favorite, mais elle n’en démord pas. Pour elle, assumer l’indépendance est le seul moyen de reprendre le contrôle non seulement du Québec, mais d’assurer sa survie environnementale.

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Le plan est simple, il semble presque aller de soi : Martine Ouellet entend convaincre les Québécois et les Québécoises de voter pour le PQ aux élections provinciales de 2018 en assumant totalement l’indépendance, la raison d’être de son parti, pour couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires.

«L’indépendance est plus populaire que le Parti Québécois. Pour battre [le premier ministre et chef libéral] Philippe Couillard, il faut un rassemblement des indépendantistes, que ce soit Québec solidaire ou Option nationale, mais sans indépendance, il n’y a pas de convergence possible. Pour convaincre les 30 % d’électeurs et d’électrices indépendantistes de la CAQ, il faut que l’indépendance soit à l’ordre du jour, sinon, pourquoi aller au PQ?», fait valoir la candidate sur le ton de l’évidence.

La députée de Vachon, sur la Rive-Sud de Montréal, est convaincue qu’une campagne d’information efficace permettra de ramener les indépendantistes au bercail. «On va travailler, dans les deux prochaines années, à montrer à quoi ça va ressembler, un Québec indépendant. Qu’on le veuille ou non, la prochaine élection va porter sur l’indépendance, alors pour éviter que les libéraux sortent encore l’épouvantail de la peur, ça prend de l’information et de la connaissance. La meilleure garantie de gagner, c’est de prendre cet engagement.»

Qu’on le veuille ou non, la prochaine élection va porter sur l’indépendance, alors pour éviter que les libéraux sortent encore l’épouvantail de la peur, ça prend de l’information et de la connaissance. La meilleure garantie de gagner, c’est de prendre cet engagement.

L’environnement, son cheval de bataille

Dans une République du Québec dirigée par Martine Ouellet, il ne serait plus question d’opposer développement économique et protection de l’environnement. Son projet Climat-Québec 2030 est sans contredit très ambitieux : il vise une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030, grâce à un investissement de 15 milliards de dollars. L’ingénieure mécanique de formation, qui a par ailleurs travaillé chez Hydro-Québec, vise l’électrification d’un million de voitures, le transfert vers les énergies vertes pour les usines québécoises et le verdissement massif du parc résidentiel, commercial et industriel. Son plan promet de créer 350 000 emplois. De quoi attirer au PQ les écologistes, mais aussi peut-être les jeunes, largement préoccupés par l’environnement.

Celle qui a été ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement de Pauline Marois a été rattrapée pendant la course par la signature qu’elle a apposée au contrat d’exploration pétrolière de l’île d’Anticosti, une tache sur son dossier de candidate pro-environnement. Elle s’est défendue en affirmant que c’était le seul moyen de reprendre contrôle sur les ressources naturelles du Québec. «C’est le Canada qui négocie à notre place les grands accords internationaux. Stephen Harper ou Justin Trudeau, ils sont tout aussi préhistoriques l’un que l’autre. Ils ont les mêmes positions sur Énergie Est; Justin Trudeau a gardé les mêmes engagements que Harper malgré ses discours électoraux. Ce n’est juste pas le même emballage.»

Ils ont les mêmes positions sur Énergie Est; Justin Trudeau a gardé les mêmes engagements que Harper malgré ses discours électoraux. Ce n’est juste pas le même emballage.

Les peuples autochtones, qui mènent de nombreuses batailles pour protéger le territoire, auraient aussi un bien meilleur allié en un Québec indépendant, selon elle. «Tout le monde a à gagner. Avec la décentralisation des pouvoirs, on pourrait travailler avec eux pour avoir une meilleure qualité de vie. La Loi sur les Indiens canadienne, c’est... une horreur. Je m’excuse, mais c’est ça. Il va falloir établir des relations sur une tout autre base que celle-là.»

Le nouveau PQ devra aussi redéfinir sa relation avec les communautés ethnoculturelles, dont il a besoin pour bâtir une coalition électorale (et référendaire) gagnante. Martine Ouellet croit déjà avoir réussi à tisser des liens de confiance, citant en exemple les chauffeurs de taxi, majoritairement issus de l’immigration, en guerre contre la multinationale Uber. Si la candidate est pressée d’élaborer sa stratégie de persuasion des Néo-Québécois-es, cependant, son plan semble plus vague. Elle voudrait une cérémonie d’accueil au Québec pour les nouveaux arrivant-es en attendant que le Québec soit indépendant, leur parler de Gilles Vigneault, de Gaston Miron, leur dire qu’ils et elles arrivent au Canada, mais avant tout, au Québec. «Les nouveaux arrivant-es sont souvent très politisé-es, ils et elles ont quitté des régions en guerre ou qui avaient plus de problèmes économiques. On croit pouvoir en convaincre une grande partie, peut-être pas tout le monde, mais c’est en s’intéressant à eux et elles, en échangeant et en gardant les canaux de communication ouverts qu’on peut y arriver.»

«Il faut oser!»

Martine Ouellet a fait flèche de tout bois tout au long de la campagne, au point où on lui a reproché d’être trop agressive dans cette course, par ailleurs qualifiée de la plus acrimonieuse de l’histoire du PQ. Ce qualificatif est loin de démonter la candidate, qui revendique cette audace pour le Québec entier. Lorsqu’on lui demande si le fait qu’elle soit la seule femme a teinté la course à la direction du Parti Québécois, Martine Ouellet se fait silencieuse un moment. «Je ne dirais pas que ç'a teinté la course, mais c’est sur que c’est un peu différent. Bien des forums en politique sont établis depuis longtemps par des hommes et pour des hommes. Des structures comme les débats sont organisés pour favoriser la confrontation et les personnalités, souvent plus que les idées. C’est plus masculin comme trait de caractère. En général, les femmes, on travaille plus dans le rassemblement, l’empathie; on a besoin de ça en politique.»

Bien des forums en politique sont établis depuis longtemps par des hommes et pour des hommes. Des structures comme les débats sont organisés pour favoriser la confrontation et les personnalités, souvent plus que les idées.

Même si elle est généralement troisième dans les sondages sur la course à la direction, Martine Ouellet n’a jamais cessé de croire en ses chances de gagner. Elle exclut catégoriquement de quitter le navire péquiste advenant sa défaite. «Je suis au PQ depuis 30 ans et j’ai déjà annoncé mon intention de me représenter aux prochaines élections.» Et si le PQ choisit de mettre un référendum de côté en choisissant un autre chef? «À force de reporter à plus tard, on perd un temps précieux. Des décisions se prennent qui nous font mal. Le statu quo, ce n’est pas de l’immobilisme, affirme-t-elle avec conviction. C’est un recul.»

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