Sur Donald Trump, on a tout lu et entendu. Sur ses politiques, un peu moins. Si l’on connaît par cœur toutes ses déclarations sulfureuses, nous sommes peu au fait de son programme et de ses plans de réformes. Quelle importance? L’homme qui prêtera serment sur les marches du capitole aujourd’hui ne sera, après tout, que le décideur le plus influent de la planète…

Peut-être est-il donc temps de s’intéresser aux projets du 45e président des États-Unis. Après Twitter, comment Donald Trump va-t-il bouleverser le fil d’actualité de la politique américaine? De tous les enjeux qui sont demeurés en marge de l’attention publique, deux en particulier devraient occuper une place majeure dans ce début de présidence.

Vaste plan sur les infrastructures

C’est l’un des rares objectifs sur lequel s’entendaient Hillary Clinton et Donald Trump : restaurer les infrastructures américaines, à commencer par les quelque 60 000 ponts «déficients» et les 2000 réseaux de distribution d’eau dysfonctionnels (comme celui de la ville de Flint) à travers le pays. Présenter au Congrès un plan sur la question figure désormais parmi les objectifs des 100 premiers jours du nouveau président.

Là où Hillary Clinton proposait de vastes investissements publics, type New Deal, Donald Trump a suggéré l’emploi d’une autre recette : un programme d’allègements fiscaux visant à attirer des investisseurs privés. Selon les estimations de l’équipe Trump, des exemptions d’impôts de 137 milliards de dollars mèneraient à un investissement global de 1000 milliards.

Des conclusions dont doutent nombre d’économistes, de droite comme de gauche : une telle démarche risque de rendre plus profitables encore des infrastructures déjà rentables, comme les réseaux électriques. Ceci sans inciter à prendre en charge des ouvrages peu ou non lucratifs, comme les chemins de fer. L’État pourrait en définitive subventionner des projets que les privés entendaient réaliser de toute façon, et donc échouer à stimuler l’emploi.

Si Donald Trump entend faire passer son projet auprès du Congrès d’ici 100 jours, ce sont autant les démocrates (favorables à de grands travaux publics) que les conservateurs fiscaux (qui craignent un creusement de la dette publique) qu’il va devoir amadouer.

Si Donald Trump entend faire passer son projet auprès du Congrès d’ici 100 jours, ce sont autant les démocrates (favorables à de grands travaux publics) que les conservateurs fiscaux (qui craignent un creusement de la dette publique) qu’il va devoir amadouer.

Grande réforme fiscale

C’était un autre grand cheval de bataille électoral de Donald Trump, qui a promis durant la campagne «la plus grande réforme fiscale depuis Reagan». Tout comme ce dernier, le nouveau président souhaite réduire à la fois les taxes visant les entreprises et les contribuables.

Parmi les mesures préconisées par la nouvelle administration : diminuer de 7 à 3 le nombre de paliers d’imposition sur le revenu, réduire l’impôt sur les entreprises de 35 % à 15 %, et instaurer une taxe sur les biens importés. L’un des grands objectifs de Donald Trump est de stimuler le secteur privé tout en incitant les firmes à rapatrier (ou à tout le moins maintenir) leurs activités sur le sol américain.

Son plan, là aussi, ne fait cependant pas l’unanimité. Des analystes fiscaux, comme le Tax Policy Center, estiment que si tous les contribuables peuvent espérer voir leurs impôts baisser grâce à la réforme, ceux à hauts revenus en tireront le plus grand avantage. D’autres voix, notamment au sein du parti républicain, craignent que l’établissement de tarifs douaniers déclenche une guerre commerciale avec la Chine.

Tout comme pour son plan sur les infrastructures, Donald Trump va devoir composer avec nombre de voix dissonantes pour voir sa réforme acceptée par le Congrès… et l’opinion publique.

Une leçon de politique

Bien d’autres dossiers prendront place aujourd’hui sur le bureau présidentiel, parmi lesquels le démantèlement de l’Obamacare, la réforme des prestations aux vétérans ou encore la régulation sur les activités de lobbying. De fait, un constat s’impose avec cette investiture : celui qu’on a longtemps dépeint comme un amateur et un «populiste» n’en est pas moins porteur d’un projet politique concret pour l’Amérique.

De fait, un constat s’impose avec cette investiture : celui qu’on a longtemps dépeint comme un amateur et un «populiste» n’en est pas moins porteur d’un projet politique concret pour l’Amérique.

Une réalité qui a de quoi faire réfléchir sur la campagne de l’automne dernier. Pendant que ses adversaires clamaient qu’il était non qualifié pour présider les États-Unis, Donald Trump préparait un plan de relance de l’industrie du charbon américaine. Pendant que les médias débattaient de savoir s’il avait utilisé l’expression «big league» ou «bigly», lui planchait sur le gonflement du budget de la défense.

Il en ressort ce qui s’assimile à une leçon de politique contemporaine : un candidat devrait avant tout être jugé, combattu ou soutenu, sur la base de ses politiques. Pas de son pedigree. Les détracteurs de Donald Trump l’ont sous-estimé de par le second, qu’ils estimaient impropre. Ses électeurs, de toute évidence, l’ont plébiscité pour les premières, qu’ils considéraient pertinentes. Comprendre le déroulement de la présidence à venir exige désormais de se mettre à niveau.