Cela fait quatre ans que Mine Arnaud, propriété d’Investissement Québec (62 %) et de YARA (38 %), une multinationale norvégienne, tente de mettre en valeur sa mine d’apatite, un minerai utilisé en agriculture. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a déjà mené ses audiences, à l’été 2013, mais son rapport déposé en février 2014 n’a rien tranché. La commission a plutôt souligné le manque d’informations et l’absence de certaines études, qualifiant ainsi le projet d’inacceptable dans sa forme actuelle.

Silence radio

Depuis, les discussions se font en huis clos, entre la minière et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de Lutte aux changements climatiques (MDDELCC). Légalement, rien n’oblige la minière ou le ministère à dévoiler les études complémentaires, mais selon Louise Gagnon, du Regroupement pour la sauvegarde de la grande baie de Sept-Îles, ce « manque de transparence encourage la crainte et la tension. »

La directrice des communications de Mine Arnaud, Kateri C. Jourdain, se défend de cacher des informations. « Ce qu’on présente au ministère, ce sont des documents de travail, pas des documents finaux. On s’est fait reprocher à l’époque de montrer des études incomplètes. Là, on veut s’assurer que les études soient complètes avant de les présenter. »

Rien n’oblige les promoteurs et le gouvernement à rendre publiques les études complémentaires, et il n’y a jamais eu deux audiences du BAPE sur un même projet, même lorsque celui-ci était incomplet. Comme si la commission était passée trop tôt. Des citoyens craignent que le gouvernement accepte un projet duquel ils ne connaissent pas tous les impacts et sur lequel ils n’auront pas pu s’exprimer.

Un droit à l’information

Le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier, confirme se sentir sur une corde raide, entre les citoyens, les conseillers et les gens d’affaires. « Ce qui exaspère, c’est que le gouvernement devrait avoir du leadership dans ce dossier, devrait expliquer le processus, rassurer la population, mais il maintient le dossier dans le néant, laissant toute la place à la spéculation. Il y a de la désinformation de parts et d’autres. »

Un référendum obligerait le gouvernement et Mine Arnaud à diffuser l’information selon Manon Fournier, coorganisatrice d’une marche pour un référendum sur Mine Arnaud. Pour que les gens puissent voter, il faut avoir un portrait complet du projet. Plus encore, étant majoritaire dans Mine Arnaud, le gouvernement du Québec a une double responsabilité. « Avec les scandales dans les journaux et à la Commission Charbonneau, on est dans un climat de suspicion au Québec, ajoute-t-elle. Il faut plus que jamais être transparent. »

Mario Dufour

Droit de parole

Pour le promoteur et tous ceux qui sont favorables au projet (Citoyens pour Mine Arnaud, Chambre de commerce de Sept-Îles et l’ensemble des conseillers municipaux), le référendum est une mauvaise idée, qui ne ferait que « cristalliser les opinions ». Selon la Chambre de commerce et Citoyens pour Mine Arnaud, il n’y a pas de réelle tension, qu’un petit groupe d’opposants.

Pour Manon Fournier, c’est l’inverse. « La tension est déjà palpable. Le référendum ne peut pas diviser plus que ce ne l’est déjà. » Elle ne comprend pas comment les conseillers municipaux peuvent refuser d’écouter le souhait de 5000 signataires et de ne pas vouloir un exercice démocratique. « On peut être pour le projet et vouloir être consulté aussi! Il y a des gens qui ne peuvent s’exprimer en public, dû à leur emploi, ou qui ont peur de s’afficher… Ils pourront le faire dans l’isoloir. Un référendum, ça sert à faire valoir son opinion. »

Seul élu pour un référendum, le maire de Sept-Îles ne comprend pas non plus cette réticence de ses collègues. « Il faut que les gens puissent se prononcer. Si c’est un si bon projet, comme certains le disent, ils ne devraient pas avoir peur de s’exprimer dessus. »

Conseil municipal divisé

Réjean Porlier admet que le sujet pèse lourd durant les caucus. « Il y a de bons accrochages. Il y a une tension avec Mine Arnaud qui occulte tous les autres dossiers. » On lui reproche régulièrement de ne pas se rallier au reste du conseil. « Un conseiller m’a demandé l’autre jour ce que j’allais maintenant faire pour bloquer le projet. Ce n’est pas ça mon but! J’aurais préféré qu’il me demande ce que j’allais faire pour m’assurer que le projet soit bien fait, pour trouver un consensus social. »

Le contexte se mêle aussi de la partie. Stimulée par un Plan Nord, Sept-Îles a connu un boum économique avant de subir un coït interrompu avec la chute du prix du fer. Non seulement les investissements annoncés n’ont pas eu lieu, il y a eu plusieurs mises à pied et la région se remet difficilement de la bulle immobilière qui a accompagné le boum.

Les conseillers municipaux ont tous participé à une marche « Go Mine Arnaud », sauf le maire. Signe de la tension sociale, plusieurs conseillers ont affirmé marcher pour encourager l’essor économique de Sept-Îles et non spécifiquement pour le projet de Mine Arnaud, malgré le nom sans équivoque de la manifestation.

La position de la Ville n’est pas claire à propos du projet minier, admet Réjean Porlier. « Officiellement, la Ville est préoccupée par la qualité du projet, sur l’impact sur la santé et sur l’environnement, sur la pression sur les infrastructures de la Ville, mais il y a des gens au conseil qui ont peur de perdre le projet si on met de la pression. »

En savoir plus – Le projet de Mine Arnaud
Une fosse longue de 3,5 km, large de 100 mètres, profonde de 240 mètres, ce qui est assez profond pour y mettre trois Chateau Frontenac l’un par-dessus l’autre. Mine Arnaud veut y extraire pendant 28 ans de l’apatite, un minerai utilisé principalement dans l’agriculture.
À 800 mètres de la fosse, une première maison du canton Arnaud. Un peu plus loin, les terrains d’un maraîcher, un des rares de la région, un parc géant de maisons mobiles, une baie riche en zostères, en flores et en faunes marines, une zone unique de nidification, puis le centre-ville de Sept-Îles, situé à moins d’une dizaine de kilomètres.