Extrême-droite

L’implication de La Meute dans le camp du Non à Saint-Apollinaire

Dimanche 16 juillet : Référendum sur le cimetière musulman
Photo: Ashim D'Silva

La Meute est un groupe de pression anti-islam, principalement actif sur les réseaux sociaux. Comme l’a déjà exprimé son porte-parole Sylvain Maikan : «Il n’y a qu’un seul islam et il est radical. […] Un musulman modéré, ça n’existe pas» (Facebook, 31 mai). Fondée en 2015, la formation compte des milliers d’adeptes convaincus. Que font-ils? Ils bavardent entre eux, s’échangent de la propagande haineuse, «trollent» ceux qu’ils appellent les «zinclusifs» ou intimident carrément leurs opposants en les harcelant et en censurant leurs textes. Leur impact est indéniable sur Facebook, mais qu’en est-il ailleurs?

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Le Clan 12 à la tête du camp du Non

Dans la foulée de la collecte de signatures, le camp du Non prenait le label pseudo-progressiste d’Association pour l’alternative citoyenne. Le groupe gravite toujours essentiellement autour de Sunny Létourneau et de plusieurs membres de sa famille rapprochée. Or, il appert que la plupart des personnes impliquées sont bel et bien membres officiels de La Meute.

Or, il appert que la plupart des personnes impliquées sont bel et bien membres officiels de La Meute.

En examinant la liste des membres du Clan 12 – Chaudière-Appalache – disponible en ligne, on peut constater qu’une dizaine des participants de la page «Comité de l’alternative citoyenne» sont en fait des «loups», et cela inclut Sunny Létourneau, son conjoint et sa mère (que l’on peut voir dans quelques reportages).

Nous disions donc qu’à ce moment-là, en mars, l’opposition récoltait des signatures pour forcer la tenue d’un référendum, visant à retarder le projet et le bloquer. Sunny et ses acolytes font du porte-à-porte et parviennent à recueillir un nombre suffisant de protestataires.

Victoire de l’intolérance : un référendum se tiendra le dimanche 16 juillet. Il y aura moins de cinquante électeurs éligibles, car seuls les voisins immédiats du zonage concerné auront le droit de vote.

Le camp du Non recommence alors ses démarches agressives, au grand dam d’Apollinairois favorables au projet : «C’était presque du harcèlement. Ça ne finissait plus.» Certains reçoivent plus de sept visites et pas des plus instructives comme s’en est plaint le promoteur Sylvain Roy :

«Les gens ont véhiculé toutes sortes de faussetés. On a dit que les musulmans enterraient leurs morts sans cercueil, trop près de la surface du sol… Tout ça, c’est faux.»

La Meute : Une sortie hors du virtuel

Depuis les manifestations du 4 mars visant à dénoncer la motion contre l’islamophobie, La Meute aspire de plus en plus à passer à l’action.

Si l’on consulte son site officiel, elle prétend vouloir freiner une soi-disant islamisation du Québec : «Nous, La Meute, ne voulons pas que notre société se voit imposer une idéologie totalitaire qui fait de la discrimination sexiste, vestimentaire, alimentaire, matrimoniale et sépulcrale». Sépulcrale? Manifestement, le combat que souhaite mener La Meute pourrait inclure la question des cimetières musulmans.

Celle-ci a pris une importance de premier plan le 20 février dernier, alors qu’une entente privée a été conclue entre deux parties pour l’acquisition d’un terrain à Saint-Apollinaire. Le maire de l’endroit s’est montré favorable au projet. Donc jusque-là, c’était une excellente nouvelle pour la communauté musulmane de la région de Québec, encore sous le choc du terrible attentat du 29 janvier.

Hélas, un camp du Non s’est prestement formé au niveau local, afin de contrer le projet. Inspirés par la charismatique Sunny Létourneau, les islamophobes ont tout d’abord investi le conseil municipal du 6 mars.

Hélas, un camp du Non s’est prestement formé au niveau local, afin de contrer le projet. Inspirés par la charismatique Sunny Létourneau, les islamophobes ont tout d’abord investi le conseil municipal du 6 mars.

Le patriarche de la famille Létourneau s’exclamait : «Ils me font peur, les musulmans», sous les acclamations d’une trentaine de citoyens». Un autre craignait une issue fatale : «Ils vont se bâtir une mosquée, ils vont s’installer dans le village. Ils vont prendre les maisons disponibles et on va se ramasser avec un tiers de musulmans. J’ai rien contre les musulmans, mais...»

Le 29 mars, un noyau dur de contestation se cristallise autour de Sunny Létourneau lors d’une importante consultation publique. Le patriarche s’est démarqué en faisant un rapprochement entre islam et terrorisme : «Pourquoi c’est toujours les musulmans, la religion islamique pis le Coran? Les autres, ils ne font pas ça?». Puis il déclara confusément craindre l’arrivée de «synagogues».

Le patriarche s’est démarqué en faisant un rapprochement entre islam et terrorisme : «Pourquoi c’est toujours les musulmans, la religion islamique pis le Coran? Les autres, ils ne font pas ça?».

Malgré ces faux pas, le camp du Non avait quand même obtenu la promesse d’un éventuel référendum, s’il parvenait à amasser au moins seize signatures avant le 26 avril.

Pourquoi un cimetière musulman?

Le 9 juillet 2017, une semaine avant le fameux référendum, Sunny et son conjoint participent à l’inauguration d’un carré de cimetière musulman à Saint-Augustin-de-Desmaures, afin de court-circuiter l’autre projet plus près de chez eux. Cette initiative est bien sûr un leurre : la très grande majorité de la communauté musulmane ne pourrait profiter de cet espace, car il ne correspond pas à leurs normes religieuses. Nombre de médias tombent tout de même dans le panneau, titrant «Inauguration d’un cimetière musulman près de Québec». Comme si cette option convenait à tous…

Sunny Létourneau profite de l’occasion pour faire une étonnante déclaration à propos de négociations avec le camp adverse: «On leur a offert une coopérative, on a même offert de leur acheter des parts. On a personnellement mis 45 000$ sur la table». Qui ça «personnellement»? L’Alternative citoyenne?

Le camp du Non pense donner une leçon de laïcité aux musulmans en les contraignant à se joindre aux cimetières multiconfessionnels. Néanmoins, que l’on soit athée, catholique, juif ou peu importe, il saute aux yeux que l’on fait usage d’un double standard : il existe déjà des cimetières confessionnels au Québec – dont un musulman à Laval –, pourquoi bloquer cette entente-ci en particulier?

il saute aux yeux que l’on fait usage d’un double standard : il existe déjà des cimetières confessionnels au Québec – dont un musulman à Laval –, pourquoi bloquer cette entente-ci en particulier?

À la vérité, non seulement le projet ne serait pas un vecteur d’exclusion, mais on peut même considérer qu’il pourrait contribuer au sentiment d’appartenance de bien des nouveaux arrivants de première génération qui souvent ont le réflexe coûteux d’envoyer leurs défunts dans leur pays d’origine.

Remerciements du porte-parole de La Meute

Le 17 mai dernier, Sylvain Maikan avait mis en ligne un long message de victoire sur le mur public de La Meute, félicitant le camp du Non – donc plusieurs de ses propres militants – pour le référendum qu’il avait provoqué : «Les gens de St-Apollinaire ont agi comme des loups, et non comme des moutons». Ils «ont rappelé à leurs élus pour qui ils travaillaient (…) Nous offrons tout notre respect au comité de citoyens de St-Apollinaire dirigé par Sunny Létourneau».

Maikan poursuit en laissant entendre que cette expérience pourra servir ultérieurement à influencer des élections politiques : «D’ici les prochaines élections provinciales, La Meute sera très active pour sensibiliser les gens sur le pouvoir réel du peuple quand il se tient debout». Espérons que le peuple se tiendra debout, et refusera de céder à la peur et à l’ignorance.

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