Décès de Emmett «Pops» Johns

L'héritage de Pops

Pops a marqué le parcours de plusieurs jeunes de la rue. Le témoignage de Yannick Potvin rend un dernier hommage à celui qui a changé sa vie.
Josie Desmarais

La première fois que Yannick Potvin a rencontré le père Emmett Johns, il y a 20 ans, il avait 16 ans. Il était alors un adolescent en fugue, nouvellement débarqué du Saguenay à Montréal, sans travail et sans plans. Il raconte son parcours avec une clarté et une franchise déconcertantes, et raconte l'importance que Pops a eu dans sa vie.

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«Je consommais depuis un très jeune âge, j’avais été dans un centre de désintoxication à 14 ans. Mes parents savaient qu’ils ne pouvaient plus rien faire pour moi. J’étais très fâché» explique l’homme aujourd’hui dans la trentaine.

«Je suis parti à Montréal chercher une amie qui y vivait, pour qu’on reparte au Saguenay ensemble,» raconte-t-il. «Finalement, on est jamais repartis. J’avais déjà entendu parler d’un prêtre qui aidait des jeunes de la rue. Alors j’ai commencé à fréquenter sa roulotte pour manger.»

Un hot dog à la fois, Potvin a commencé à faire confiance à Johns, que tout le monde appelait Pops, et à ses collaborateurs de l’organisme Dans La rue.«J’ai commencé à fréquenter le centre de jour, à dormir au Bunker (un refuge pour les jeunes de 12-21 ans mis sur pied par l’organisme), à accéder aux ressources. Parfois j’y allais chaque jour, parfois pas, mais... c’était précieux de savoir que quelqu’un allait toujours être là. Pops était toujours là.», confie-t-il.

Un hot dog à la fois, Potvin a commencé à faire confiance à Johns, que tout le monde appelait Pops, et à ses collaborateurs de l’organisme Dans La rue.

Après avoir perdu un emploi de trop, Yannick est revenu au centre de jour pour manger. Dave Dumouchel, actuellement coordonnateur à l’intervention à Dans La Rue, l’a convaincu de retourner à l’école.

La dernière fois que Yannick Potvin a vu Emmett Johns, le prêtre lui remettait un diplôme de fin de secondaire, à lâge de 25 ans.

Un long parcours

Sa sortie de la rue n’a rien d’un long fleuve tranquille. Le jeune homme se trouvait des emplois et les perdaient quand il était en retard, ou quand ses employeurs trouvaient une seringue dans la salle de bain. Il faisait du «squeegee» pour garder son appartement. Il a dû quitter le cégep. C’était «une bataille constante» pour lâcher la drogue. Certains de ses amis l’ont perdu, cette bataille-là.

«En 2008, un de mes amis est décédé dans mes bras. Il avait 22 ans. Je ne me suis pas rendu compte qu’il avait fait une overdose. Je pensais qu’il était juste couché. J’ai essayé de lui sauver la vie, mais c’était trop tard. C’a été un gros, gros, gros choc.», raconte-t-il.

Même s’il était encore dans la vingtaine, le mot «avenir» ne faisait pas partie du vocabulaire de Yannick. «Dans ma tête, j’étais mort à 17 ans,» raconte-t-il. «Je ne pensais pas que j’allais faire quelque chose dans la vie. Avant d’aller chez Pops... je ne voyais pas plus loin que quelques jours.»

«Je ne pensais pas que j’allais faire quelque chose dans la vie. Avant d’aller chez Pops... je ne voyais pas plus loin que quelques jours.»

Un dernier hommage

Johns est décédé le 13 janvier dernier à l’âge de 89 ans. «Lui et son équipe donnaient des deuxièmes chances à des gens,» renchérit Yannick. «Quand j’ai appris le décès de Pops, je me suis mis à pleurer... de gratitude. Je n’avais jamais fait ça.»

Si les funérailles de Pops (le 27 janvier) sont publiques et son corps exposé à l’Hôtel de Ville pour permettre aux Montréalais-es de lui rendre un dernier hommage, Yannick, pour sa part, compte lui rendre hommage d’une autre manière. Le jeune homme, qui a un emploi stable dans l’industrie bancaire, étudie pour devenir intervenant à son tour.

«Je ne sais pas encore dans quel contexte je pourrais mieux aider, mais dire aux gens que je suis déjà passé par là, ça pourrait les convaincre que je sais de quoi je parle et qu’il y a des portes de sortie,» dit-il.

«Je ne sais pas encore si je vais être bon à faire ce qu’ils [Johns et Dumouchel] ont fait pour moi. Mais... je me reconnais dans ces jeunes, autant dans leur douleur, leur autodestruction que dans leur témérité.»

Alexandre Paradis, fondateur de l’organisme citoyen [SOS Itinérance] (https://fr-ca.facebook.com/SOS-Itin%C3%A9rance-264250867064176/), qui appuie les personnes itinérantes dans Hochelaga-Maisonneuve, est aussi un ancien de Chez Pops. D’autres anciens essaient de monter des initiatives pour aider des personnes queer et trans avec des problèmes de sécurité du logement. Yannick, quant à lui, espère bientôt faire un stage chez Dans la Rue, question de boucler la boucle.

«Pops a voulu nous donner tout - des repas, un toit, une école - et il a réussi. Mais le plus important, pour lui, c’était de montrer aux jeunes qu’ils étaient capables d’aimer et de faire du bien autour d’eux,» résume Yannick Potvin. «Je suis certain qu’il serait fier de tout ce monde-là. Si on peut, il faut redonner ce qu’on a reçu.»

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