Le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, répète que les étudiants et étudiantes ne devraient pas ressentir les compressions annoncées cet automne, mais tout le monde le contredit, et les exemples pleuvent. Certains s'inquiètent même pour la survie de cégeps régionaux.
Diminuer les heures d'ouverture de la bibliothèque, réduire le personnel du service informatique, supprimer des cours de certains programmes, arrêter des projets en développement durable... Recueillir des exemples des impacts des compressions n'a pas été difficile.
Cet automne, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) était en tournée dans les régions du Québec afin de travailler sur un plan de pérennité des cégeps régionaux, mais la question des compressions a dernièrement pris le dessus, admet le président, Alexis Tremblay. « Le sujet s'est imposé; c’est la première chose dont les gens nous parlent. »
« Le ministre dit qu'il n'y aura pas impact, c'est faux », s'offusque Camille Godbout, porte-parole de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante, plus connue sous l'acronyme ASSÉ. « Il y a un impact sur la qualité de l'enseignement », insiste-t-elle, donnant en exemple un cours obligatoire pour la diplomation aboli, en histoire de l'art, à l'Université Laval.
Une inquiétude partagée par le Syndicat des chargées et chargés de cours l’Université du Québec en Outaouais (SCCC-UQO). « Pour le moment, il n'y a pas de cours annulés », explique Marie-Josée Bourget, porte-parole de la SCCC-UQO, mais l'inquiétude est palpable. Leur syndicat est tombé sur une correspondance interne évoquant la diminution des cours pour la prochaine session. « Peut-être que notre sortie publique a aidé à faire changer d'idée la direction, mais l'inquiétude demeure. À l'Université du Québec à Chicoutimi, il y a 18 charges de cours de moins. »
La Fédération des cégeps a effectué un sondage qui a révélé que 29 des 48 établissements couperont dans les services en périphérie, comme les équipes sportives, les heures de service des bibliothèques, les activités d'échanges étudiants ou le soutien à l'aide financière aux études.
À Matane, tous les employés et employées du cégep, incluant cadres, professeurs, professionnels et personnel de soutien, se sont mobilisés face aux compressions. Deux journées de réflexion ont été organisées, durant lesquelles aucun cours n'a eu lieu. Plus encore, les employés se sont engagés à remettre le salaire de ces deux journées à un fonds servant à sauvegarder les services offerts aux étudiants.
« Le cas de Matane démontre à quel point on est rendu dans les derniers retranchements », souligne le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Jean Beauchesnes. « Les compressions représentent 6% du budget total des cégeps. La masse salariale des professeurs, c'est 65% du budget, plus les professionnels et le personnel de soutien, puis l'entretien de l’immobilier. Il reste 10% de notre budget pour les projets, le service aux élèves... 6%, c'est donc énorme. »
Des régions en danger
La FECQ et la Fédération des cégeps craignent pour l'avenir de plusieurs cégeps en régions éloignées. «Plusieurs régions, comme le Bas-Saint-Laurent ou l'Abitibi, sont affectées par la baisse démographique. Selon nos projections, et on suit la courbe que l'on voit au secondaire, nous allons perdre 20 000 étudiants et étudiantes sur 160 000.Les plus petits cégeps en régions seront affectés », fait valoir Jean Beauchesnes.
Assurer un financement minimal pour ces cégeps devient primordial. « Grossièrement, le budget des établissements varie selon le nombre d'étudiants. Avec les compressions et la baisse démographique, certains ne pourront plus offrir de services », ajoute M. Beauchesnes. « Il faut répartir les étudiants sur tout le territoire », insiste de son côté le représentant de la FECQ, qui souhaite présenter un plan sur la mobilité des étudiants et étudiantes.
Action réaction
Si la Fédération des cégeps tente d'influencer le gouvernement avec du lobbying pour « sauver les meubles » lors du prochain budget, les étudiants se montrent plus combatifs. La FECQ souhaite attaquer sur deux fronts. D'une part, présenter leur plan pour le financement des cégeps, dont le plan sur la mobilité des étudiants, puis continuer la mobilisation contre l'austérité, qui deviendra « plus agressive », selon Alexis Tremblay.
«Les étudiants et étudiantes se lèvent. On déplore le désengagement de l'État dans l'éducation. Si le gouvernement continue dans cette direction, il va nous trouver sur son chemin», avertit la porte-parole de l'ASSÉ. La mobilisation est commencée et le 29 novembre dernier semblait n'être qu'un réchauffement.