Conflit kurde

Kurdes : une trahison typique

Les Kurdes n’ont peut-être pas “aidé les Alliés en Normandie”, mais ils ont certainement accompli la sale besogne de l’OTAN au Moyen-Orient depuis des années, tout en voyant leur lutte pour l’indépendance instrumentalisée.
Photo: Hejaar

C’était prévisible – depuis une semaine, les troupes américaines se retirent de Syrie en catastrophe, laissant derrière eux équipements et véhicules, si on se fie aux images diffusées sur certains médias russes.

Une retraite qui rappelle presque la honte subie au Vietnam.

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Après avoir servi de sous-traitant à l’Empire, l’agneau kurde se trouve sacrifié encore une fois sur l’autel des intérêts occidentaux, cinq ans à peine après avoir été désignés comme les «partenaires» de l’OTAN dans leur tentative d’éteindre le feu qu’ils avaient eux-mêmes allumé. Car est-il encore utile de redire que le plus récent crime de guerre impérialiste ne se serait jamais produit sans ce tout aussi criminel «grand jeu» international qui est venu remuer les braises d’un feu alimenté par les tensions régionales entre Kurdes, Arabes et Assyriens.

Après avoir armé, financé et entrainé les milices kurdes en Syrie et en Irak face au faux califat daeshien, L’OTAN, É.-U. en tête, livre ce peuple pieds et poings liés à la folie vengeresse de la Turquie, opposée à toute velléité de cette indépendance qu’incarne le projet politique du Rojava.

Mais la Maison-Blanche de Donald Trump a choisi de poursuivre la tradition occidentale de signer l’arrêt de mort de ses «idiots utiles» et de les jeter en pâture aux chiens de la guerre comme on le ferait avec un vieux steak. Et c’est l’armée syrienne, appuyée par les Russes, qui se porte aujourd’hui un peu par défaut à la défense de son ennemi historique en sécurisant sa frontière avec la Turquie. À souligner : tant les troupes d’Assad que les YPG combattaient un ennemi commun - les milices jihadistes de Daech et d’al-Qaeda, tacitement soutenues par la...Turquie.

Sauf qu’Assad et son gouvernement ne sont pas prêts, selon toute vraisemblance, à reconnaître l’existence du Rojava et l’alliance conclue entre le régime de Damas et les Kurdes syriens pourraient sonner le glas de ce projet maintes fois adulé par la gauche occidentale.

La Turquie, État voyou

J’écrivais dans ces pages en mars 2016 que la Turquie (sunnites ikhwani, inspirés par la théologie des Frères musulmans), avec l’Arabie saoudite sunnite wahhabite, représentaient le «véritable califat», incarné par les ambitions néo-ottomanes du Sultan Erdogan.

Une alliance maudite qui allait fusionner la mégalomanie du président turc et la toute-puissance politique du pétroroyaume, capable d’influencer le pouvoir tant à Washington qu’à Tel-Aviv.

Membre de l’OTAN, la Turquie peut compter sur l’appui tacite des pays de l’alliance atlantique tout en la faisant chanter au cas où les É.-U. se décideraient, finalement, d’assouvir leur soif de pétrole en attaquant l’Iran, les bases aériennes turques étant vraisemblablement indispensables à la logistique de guerre atlantiste.

Et c’est ainsi que ce «grand jeu» international continuera de se dérouler au prix de millions de vies innocentes et du sang versé par des peuples qui n’ont rien demandé sinon la base de la digne vie humaine : la liberté et la souveraineté.

Une ingérence criminelle et meurtrière

On omet aussi une chose importante : l’ingérence occidentale en faveur des Kurdes s’est faite au détriment d’autres peuples qui, eux aussi, ont droit à l’autodétermination et sont en conflit avec les Kurdes syriens.

C’est le cas, notamment, des Arabes, des Yézidis et des Assyriens qui occupent et se disputent le nord de la Syrie. Ces peuples ont des cultures et des revendications fort différentes et seuls les Kurdes sont en faveur du Rojava, un projet qu’ils cherchent à imposer par la force devant la résistance arabe et assyrienne, malgré l’idée porteuse d’une région autonome gouvernée selon les principes marxistes et anarchistes de démocratie directe, de laïcité et d’autogestion.

Cette ingérence criminelle prend racine dans l’effondrement de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, suite à laquelle des centaines de milliers de réfugiés provenant du Caucase furent «kurdifiés» sous les auspices de la Turquie naissante, afin de diluer les revendications historiques des Kurdes de Syrie. Depuis, les Kurdes ont été instrumentalisés tant par Israël que par l’OTAN dans la plupart des conflits du 20e et 21e siècles.

Le peuple kurde, en ce sens, est lui aussi une victime de l’impérialisme occidental.

Et cette fois, le Canada en est directement complice, s’étant immiscé dans le conflit en envoyant avions de chasse et soldats des forces spéciales tant en Syrie qu’en Irak.

De leur côté, les grands médias ne le mentionneront pas, histoire de préserver et de perpétuer le récit manichéen des campagnes militaires — on pourrait parler de «démonstrations de force» — occidentales menées au Moyen-Orient. Tout comme ils continueront de considérer «les Kurdes» comme un bloc ethnoculturel monolithique, faisant fi des dissensions majeures entre les Peshmerga irakiens, les YPG de Syrie et le PKK turc – les premiers étant alliés de l’OTAN, les seconds cultivant un idéal politique proche des idées anarchistes de Murray Bookchin et les troisièmes, communistes, ennemis jurés de la Turquie… et des Peshmerga.

Et le crime contre l’Humanité en cours à la frontière turco-syrienne devient ainsi le meilleur argument pour cesser d’appuyer cette entreprise meurtrière, surtout lorsqu’on revendique nous-mêmes la souveraineté de nos peuples… Dans la mesure où nous sommes capables de condamner nos propres gouvernements.

(Remerciements chaleureux au camarade Laith Marouf pour toute l’aide apportée à l’écriture de cet article.)

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