Covid-19

Beaucoup d'éducation à faire en matière de droits des personnes sans papiers

Elles sont maintenant couvertes par la RAMQ, mais certaines craintes, de toute part, font qu'elles ne sont pas encore toujours au fait de leurs droits.
Photo: Tech. Sgt. Kali L. Gradishar

Les soins de santé en lien avec la COVID-19, incluant le dépistage, les soins médicaux et hospitaliers éventuels seront désormais couverts par la Régie d’assurance-maladie du Québec (RAMQ) pour toute personne vivant sur le territoire du Québec qui n’a pas accès à une autre assurance. Ceci inclut les personnes sans papiers et les nouveaux arrivant.es en attente de statut.

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La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, en a fait l’annonce, en anglais, le 30 mars dernier lors de la mise à jour quotidienne du premier ministre.

«Nous couvrirons des immigrant.es qui n’ont pas de carte de santé, eux aussi, parce que c’est très important de fournir ces services,» a dit la ministre.

L’attaché de presse de la ministre McCann, Alexandre Lahaie, a précisé: «Nous sommes actuellement dans une crise sanitaire, donc nous avons décidé [fin mars] que des personnes sans statut qui pensent avoir la COVID-19 et qui sont ensuite testées positives seront couvertes. Dans le contexte actuel, il faut qu’on s’occupe de nos populations vulnérables et qu’on réduise le risque de contagion pour la population générale.» Le Québec emboîte ainsi le pas de l’Irlande et du Portugal, qui ont élargi l’accès aux soins à toute personne se trouvant sur leur territoire, dans le cadre de leur réponse à la pandémie.

Précédemment, seul le dépistage de COVID-19 était gratuit pour les personnes sans statut migratoire. Les professionnels de la santé étaient dans l’obligation de fournir les soins urgents à toute personne, mais une personne sans statut et sans assurance-maladie risquait d’être confrontée à une facture salée. Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ, nuance que ces personnes continueront d’être facturées pour les soins non liés à la COVID-19.

Les réfugiés sélectionnés et les demandeurs d’asile en attente d’une décision qui ne sont pas admissibles à la couverture de la RAMQ sont couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI). Or, la liste des services couverts par le PFSI change d’un gouvernement fédéral à l’autre, et les personnes dont la demande d’asile a été refusée ne sont plus couvertes. Elles ont l’option d’aller à la clinique de l’ONG Médecins du monde, qui n’accepte pas de nouveaux patients à l’heure actuelle, ou de se faire soigner à l’urgence (et être facturées).

Plusieurs organismes de défense des droits des personnes immigrantes et réfugiées, dont Médecins québécois pour le régime public (MQRP) réclamaient depuis plusieurs années l’élargissement de la couverture de la RAMQ aux personnes sans papiers. La pandémie donne une nouvelle urgence à leurs arguments.

«Quand une personne est à l’hôpital, surtout quand elle est atteinte d’une maladie grave et sous assistance respiratoire, elle a besoin de se concentrer sur sa guérison, et non pas de s’inquiéter de comment elle va payer la facture,» martèle la directrice de MQRP, la Dre Isabelle Leblanc.

Dre Leblanc considère que la ministre McCann a pris une «excellente décision» en rendant les soins en lien avec la pandémie gratuits pour tous, mais que «le diable sera dans les détails.»

«Chaque jour, dans des situations urgentes, des médecins soignent leurs patients d’abord et vérifient leur admissibilité à la RAMQ plus tard,» explique Dre Leblanc. «Le problème, c’est quand une personne se présente par exemple avec une fièvre, quelque chose qui n’est pas urgent, mais qui pourrait le devenir, on fait quoi?»

La médecin de famille explique que même quand une personne en attente de statut est couverte par un programme existant, les règles peuvent être difficiles à démêler pour les médecins et le personnel administratif, et les patient.es ne sont pas toujours au courant de leurs droits.

«Même avec le PFSI, les règles sont compliquées et les médecins et les hôpitaux ne les connaissent pas toujours, donc certains médecins refusent de voir des patients couverts par le PFSI...et les personnes couvertes par le PFSI ne cherchent pas toujours les soins auxquels elles ont droit.»

Elle met l’emphase sur l’importance de bien communiquer les droits des patients aux patients eux-mêmes et aux professionnel.les de la santé.

«Là où je travaille, il y a beaucoup de crainte. Même si une personne est couverte [par le PFSI], elle ne sait pas toujours où aller pour se faire soigner, et la langue est aussi une barrière pour beaucoup de gens. Il y a beaucoup d’enfants qui traduisent pour leurs parents, et des parents qui sont stressés et se demandent comment ils vont mettre de la nourriture sur la table même quand il n’y a pas de pandémie. Surtout dans ce contexte [de pandémie] où des milliers de personnes ont perdu leurs emplois, ils ont peur que ça coûte cher [de se faire soigner]. Il y a beaucoup d’éducation à faire», confie la médecin.

Au moment de publier, Dre Leblanc venait de recevoir une directive écrite du ministère aux médecins, précisant les modalités d’application de la nouvelle décision. Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ, disait qu’un tableau serait bientôt mis en ligne sur le site de la régie avec tous les types de clientèle et la couverture actuelle en temps de pandémie. Ni la RAMQ ni le Ministère de la Santé et des Services sociaux n’a voulu s’avancer sur des mesures de vulgarisation additionnelle éventuels.

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