Covid-19

Lettre ouverte au directeur d'école de ma fille

Photo: Wikimedia Commons

Cher directeur,

Je vous écris au sujet de la Covid-19. Je m’empresse cependant de vous dire à quel point j’apprécie le travail effectué par le personnel enseignant et administratif, de même que le dévouement qui est le vôtre et l’attention que vous portez aux élèves. Ma fille en est à sa dernière année d’école secondaire, et nous sommes heureux d’avoir choisi votre collège, car c’est grâce à vous si son parcours scolaire est une réussite. Je vous en serai éternellement reconnaissant.

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La Covid à l’école

Toutefois, au moment d’écrire ces lignes, nous en sommes à 23 cas déclarés de personnes à l’école ayant été testées avec un résultat positif à la Covid-19. Le 18e cas était un élève se trouvant dans la même classe que ma fille. Elle est allée se faire tester dimanche. Le résultat s’est par bonheur révélé négatif.

Le 29 novembre, vous écriviez un communiqué adressé aux parents pour les rassurer. On pouvait notamment lire ceci :

« Pour les quelques locaux non ventilés mécaniquement, l’ouverture des fenêtres à chaque début de cours, jumelée à la porte ouverte en permanence, est la procédure suivie actuellement. Notez également que nous évaluons les différentes avenues nous permettant d’améliorer, à court terme, la circulation d’air. L’ajout éventuel de purificateurs d’air dans ces quelques locaux est une alternative analysée actuellement. Chose certaine, au-delà de ce possible ajout, la santé publique nous rassure quant à l’efficacité de nos pratiques actuelles. »

La salle de classe où ma fille est confinée pendant toute la journée fait partie de ces locaux non ventilés mécaniquement. Or, sachez que la porte de classe est régulièrement fermée et que les fenêtres sont aussi régulièrement fermées.

Elles ne sont même pas ouvertes une fois par heure alors que, selon des experts, il faudrait changer l’air ambiant d’une pièce fermée plusieurs fois par heure. Pendant plusieurs semaines, une seule fenêtre était ouverte. C’était celle que je demandais à ma fille de laisser ouverte. Depuis que les élèves ont été déplacés, ma fille n’est plus proche d’une fenêtre et la situation ne s’est pas améliorée. La classe n’est pas bien aérée et pas bien ventilée.

Le problème vient d’en haut

Je ne blâme personne à l’école. Le problème réside en haut lieu. La Direction de la santé publique (DSP) ne croit pas que la transmission se fait vraiment par aérosols. Selon eux, si ça existe, c’est seulement un phénomène marginal. Aucun mot d’ordre n’est venu d’en haut pour fortement recommander, voire imposer, une bonne aération des classes et de tous les lieux publics fermés. C’est la raison pour laquelle, comme vous le dites, la purification de l’air des classes non ventilées est encore seulement en train d’être « analysée », alors que nous sommes déjà rendus au mois de décembre!

L’adjonction d’un purificateur d’air pourrait, en effet, être une excellente idée. Un moniteur calculant la quantité de CO2 serait aussi approprié pour s’assurer d’une concentration de molécules de dioxyde de carbone ne dépassant pas 800 particules par million. Malheureusement, tel que rapporté par Québec solidaire, les quelques tests effectués par des professeurs dans les établissements scolaires ont montré que la ventilation était déficiente dans une majorité de classes.

Ils sont « durs de comprenure »

Le personnel de l’école fait sans doute l’impossible pour se conformer aux directives de la DSP. Je dirais même qu’il fait mieux. En ce sens, je ne veux absolument pas blâmer le personnel ou la direction du collège, mais l’appui accordé par la DSP aux pratiques actuelles de l’école n’a rien de rassurant.

C’est terrible à dire, mais les experts scientifiques sont de plus en plus nombreux à critiquer le manque de jugement de la DSP.

L’analyste politique Patrick Déry souligne d’ailleurs ce fait en toutes lettres dans La Presse du 28 novembre:

« Les quelques personnes qui décident de notre sort collectif semblent de plus en plus enfermées dans une chambre d’écho, où les nouvelles idées ne pénètrent plus. L’enjeu des aérosols l’a montré de façon renversante. Tour à tour, le premier ministre, le ministre de la Santé et le directeur national de santé publique ont minimisé, voire nié le rôle des aérosols dans la propagation de la Covid-19, même si des scientifiques en parlent depuis le printemps, même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a reconnu (en retard) à la mi-juillet. La chancelière allemande, Angela Merkel – scientifique de formation – l’a aussi souligné. Les lois de la physique sont-elles différentes au Québec? »

Depuis le début de l’année 2020, des évènements survenus dans l'État de Washington, en Corée du Sud, en Chine et en Allemagne ont mis en doute l’idée selon laquelle la transmission ne se ferait que par de grosses gouttelettes. Ce sont des experts en physique qui ont fait prendre conscience au docteur Anthony Fauci de l’importance des aérosols. C’est une lettre de 239 scientifiques qui a finalement fait bouger l’OMS. L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) vient d’ailleurs d’emboîter le pas.

Et pourtant, chez nous, rien ne bouge malgré l’alerte sonnée par 28 scientifiques dans les pages de La Presse. Encore récemment, au sujet des rencontres du temps des fêtes, le premier ministre recommandait seulement le masque et la distanciation sans mentionner la ventilation et l’aération des espaces publics fermés. Je n’ai pas de mot pour qualifier cette fermeture d’esprit, ignorante des faits scientifiques, qui perdure d’un mois à l’autre.

Il faut croire que l’ignorance volontaire est un virus résistant devenu très puissant.

Une transmission parfois invisible

On ne peut pas non plus penser que la situation est sous contrôle du seul fait que chaque personne testée positive est mise en quarantaine et que son entourage est placé en isolement préventif. En effet, le virus peut circuler même entre personnes ne présentant pas de symptômes. Les adolescents peuvent être des porteurs asymptomatiques et ils peuvent transmettre le virus à d’autres personnes asymptomatiques. Pour mettre toutes les chances de notre côté et empêcher une propagation par aérosols, il faut une bonne aération et une bonne ventilation en plus de porter un masque et de maintenir une distanciation sociale.

Pour une revue complète de la littérature portant sur la transmission par aérosols, je vous invite à consulter le texte de Justin Morgenstern, paru le 30 novembre.

Je vous prie, cher directeur, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Michel Seymour, professeur retraité, Université de Montréal

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