En pleine vague de dénonciations cet été, Safia Nolin a fait un dévoilement qui a eu un effet tsunami dans le monde artistique : Maripier Morin l’a harcelée sexuellement, en plus d’avoir commis une agression physique et d’avoir proféré des propos racistes à son égard lors d’une soirée dans un bar, il y a deux ans.
Or, dans les premiers jours, ce fut un immense silence radio de la part des grands médias. On a décidé de ne pas aborder la chose, et ce, même si ses publications étaient devenues virales sur les réseaux sociaux. Par la suite, ces mêmes médias se sont emparés de la nouvelle, faisant souvent preuve d’un manque flagrant de sensibilité à son égard. Pourtant, Maripier Morin n’a jamais nié les événements. Elle a plutôt reconnu publiquement qu’elle a effectivement eu «un comportement répréhensible» envers Safia.
Et voici que six mois plus tard, Safia Nolin continue de recevoir des messages haineux à profusion dans sa boîte de messages personnels et ceux-ci vont jusqu’aux menaces de mort.
Le harcèlement dont Safia est victime depuis cet été est d’ailleurs largement passé sous le radar; silence qui contribue sans doute à normaliser ces actions qui, rappelons-le, sont répréhensibles au sens de la loi.
Qu’est-ce qui explique une telle situation, où la victime est clouée au pilori? À notre avis, la haine que reçoit Safia n’est pas seulement l’oeuvre de quelques personnes lâches qui tentent de l’intimider pour la faire taire : elle découle aussi de la couverture journalistique biaisée de cette nouvelle qui, par ses omissions et ses imprudences, a renforcé le culte de la beauté et de la culture du viol, contribuant ainsi à l’expression décomplexée de la haine misogyne, lesbophobe, grossophobe, classiste et raciste.
En effet, l'absence de couverture médiatique adéquate a pu contribuer à laisser libre cours aux commentaires haineux que Safia a reçus, que ce soit dans les sections de commentaires d’articles qui n’ont pas été modérés - et qui auraient dû l’être -, sur sa page Facebook professionnelle, dans sa boîte de messages personnelle, allant même aux graffitis haineux à son égard. D’autant plus que ce n’est pas la première fois que Safia Nolin est malmenée par les médias.
Cette situation est intrinsèquement un produit de la culture du viol : encore une fois, tout le courage dont fait preuve la survivante pour dévoiler au grand public ce qu’elle a vécu est tassé du revers de la main. Que l'on ne se méprenne pas : braquer les projecteurs sur la personne qui a commis l'agression mise sur l'effet sensationnaliste. Les médias auraient, au contraire, pu en profiter pour livrer des informations importantes pour contrer la violence sexuelle, dans l'esprit des recommandations de l'Institut national de la santé publique. L’attention portée à ces événements est d’ailleurs souvent biaisée : on ne parle pas de ce que vit une survivante, qui a risqué sa carrière pour un dévoilement public, mais on accorde un segment dans le Bye-bye à des personnes ayant commis des violences à caractère sexuel.
À cela s’ajoute le privilège de la beauté (ou pretty privilege) qui crée un espace de doute quant à la véracité du dévoilement de Safia. Pourquoi parle-t-on du privilège de la beauté? Parce que l'une des conséquences du privilège de la beauté renvoie à la perception largement répandue selon laquelle c’est impossible qu’une personne belle agresse une personne dont l’apparence ne correspond pas aux standards de beauté, en l'occurrence occidentaux. Or, on a ici non pas une personne «plus belle», mais une personne qui se conforme à ces normes, une autre qui, en refusant de s'y conformer, incarne une critique sociale dérangeante.
On le sait bien, les personnes belles ne peuvent pas être méchantes - leur apparence physique est forcément un reflet de leur vertu. Poussons même plus loin la logique de ce biais : si la personne agressée ne correspond pas aux standards de beauté de la société et que la personne qui agresse est considérée comme belle, cela devrait être flatteur. Choquant? C’est pourtant ce que l’ancien juge québécois Jean-Paul Braun aurait dit à une plaignante dans un procès pour agression sexuelle. Le privilège de la beauté existe; il teinte la perception qu’on se fait de certaines situations et la manière dont on en parle.
Pour éviter ce genre de situations, on devrait inclure des voix diverses dans les grands médias, ce qui permettrait une couverture plus nuancée de ce genre d’événements. Il serait également pertinent que les personnes produisant du contenu médiatique (incluant les titres des articles) reçoivent une formation sur l’utilisation des trousses média de l’INSPQ.
Entretemps, «Laissez Safia tranquille».
Signataires :
- Laurie-Anne Arseneault, étudiante en journalisme
- Julie Artacho, photographe et militante féministe
- Jean-Christian Aubry, directeur label
- Étienne Aumont, candidat au doctorat en psychologie
- Maurin Auxéméry, programmateur festival
- Laurie Bédard, autrice et critique d’arts vivants
- Juliette Bélanger-Charpentier, étudiante en victimologie et en criminologie
- Coco Belliveau, Humoriste
- Marie-Jeanne Bernier
- Laurie Bissonnette, travailleuse sociale ; spécialisé en intervention en violences sexuelles
- Romanne Blouin, attachée de presse et de promotion
- Éliane-Catrie Blouin Achim, artiste joaillière
- Isabelle Boisclair, professeure en études littéraires et culturelles
- Claudia Bouchard, Militante et enseignante au collégial
- Alyssa Bouchenak
- Colin Boudrias, humoriste
- Asma Bouikni
- Mélanie Boulay, autrice-compositrice-interprète
- Stéphanie Boulay, autrice et autrice-compositrice-interprète
- Alexandre Boutin-Labonté, auteur, humoriste
- Philippe Brach, auteur-compositeur-interprète
- Mélanie Brisson, styliste
- Olivier Brouillette-Deblois, adjoint administratif
- Ariane Brunet (ou L’Isle), auteure-compositrice-interprète
- Céline de Chaisemartin, comédienne, humoriste, chanteuse, danseuse. Survivante.
- Jennie Charbonneau, travailleuse sociale et étudiante
- Isabelle Chevalier, intervenante en violence conjugale
- Myriam Chouinard, étudiante en géographie à l'UQAM et survivante
- Camille Cléant artiste interdisciplinaire, étudiante, tatoueuse, badass
- Catherine Cliche, autrice et productrice déléguée à la radio
- Gabrielle Lisa Collard, journaliste, autrice et militante anti-grossophobie
- Antoine Corriveau, auteur-compositeur-interprète
- Marilou Craft, autrice et conseillère dramaturgique
- Camille Dallaire Humoriste, artiste, autrice et comédienne à temps partiel, féministe à temps plein.
- Myriam-Sophie Deslauriers, metteure en scène, directrice de tournée, programmatrice de festival
- Catherine Descoteaux, avocate auprès de personnes ayant vécu des violences sexuelles et du harcèlement au travail
- Katia Pharand Dinardo, travailleuse sociale
- Mariama Dioum, candidate à la maîtrise en science politique et déléguée étudiante élue au Conseil d’administration de l’UQAM
- Élizabeth Duboc, candidate à la maîtrise en sciences de la gestion en responsabilité sociale et environnementale et déléguée étudiante élue au Conseil d’administration de l’UQAM
- Alix Dufresne, metteuse en scène et enseignante en théâtre.
- Alexandra Dupuy, candidate à la maitrise en linguistique, représentante étudiante au Comité permanent de la Politique visant à prévenir et à combattre le sexisme et les violences à caractère sexuel de l’Université du Québec à Montréal (Politique 16) et militante dans la lutte contre les violences à caractère sexuel
- Mélanie Ederer, travailleuse sociale et militante
- Martine El Ouardi, étudiante à la maîtrise en science politique et militante
- Melyssa Elmer, travailleuse culturelle
- Elen Ewing, conceptrice de costumes et scénographe
- Majorie Faucher
- Geneviève C. Ferron, chorégraphe
- Mireille Forget, étudiante et militante féministe
- Estelle Frenette-Vallières, artiste et conceptrice lumière
- Émilie Gagné, étudiante et militante féministe
- Laurence Anne C.Gagné, Autrice-compositrice-interprète
- Cam Esther Garon, Agente de développement, diversité et inclusion
- Marie-Frédérique Gravel, conceptrice sonore, régisseuse et militante
- Marie-Élaine Guay, auteure
- Anne Dagenais Guertin, artiste et activiste
- Sonia Haddad, organisatrice communautaire
- Jean-Philippe Hébert, artiste et musicien
- Gabriel Hélie-Harvey, auteur-compositeur-interprète
- Sara Hini, Photographe
- Valérie Houde, médecin résidente
- Mathilde Jacqueline, artiste, géographe et militante
- Élise Jetté, journaliste, autrice et chroniqueuse
- Maïtée Labrecque-Saganash, Chroniqueuse et militante
- Sarah G. LaForce, travailleuse culturelle
- Hubert Lenoir, auteur-compositeur-interpète
- Amélie Faubert, podcast Les Ficelles et intervenante psychosociale
- Lautotherey, Animatrice,choniqueuse,youtubeuse.
- Mélissa Garrido, sexologue et militante, spécialisée en violences à caractère sexuel
- Christle Gourdet, étudiante et antiraciste, travailleuse dans les médias et le milieu communautaire
- Justine Grandmont, candidate à la maîtrise en sociologie, UQAM
- Véronique Grenier, autrice et enseignante de philosophie
- Camille Laberge, militante et antiraciste
- Vanessa La Haye, M.A., gérante de Safia Nolin
- Rachel Labrecque-Carbonneau, criminologue
- Noémie Lacombe, étudiante en sciences biologiques et survivante
- Émilie Laforest, directrice artistique et chanteuse
- Maude Lamoureux, humoriste, autrice, militante et survivante
- Marianne Laplante, étudiante à la maitrise en linguistique
- Roseline Laramée-C., artiste, militante et survivante
- Philippe Larocque, Artisan de la scène musicale.
- Jérémie Larouche, humoriste
- Noémie Leduc Roy, humoriste
- Jasmine Léger, étudiante, militante et travailleuse dans le milieu de la culture
- Julie Legris
- Mélanie Lemay, art-thérapeute, militante, survivante & Cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles
- Gabrielle Lessard, comédienne, autrice et metteure en scène
- Julie Levasseur, candidate à la maîtrise en langue et littérature françaises – option en études sur les femmes et le genre
- Gabrielle Lévesque, intervenante en violence conjugale et militante
- Joseph Marchand, musicien et compositeur
- Kimberley Marin, militante & Cofondratrice de Québec contre les violences sexuelles
- Jeannick Martins-Desjardins, étudiante en postproduction et survivante
- Sophie Mederi, doula et activiste en santé sexuelle et reproductive
- Rose-Aimée Automne T. Morin, autrice et chroniqueuse
- Joakim Morin, victime, témoin, artisan de la scène musicale.
- Jessie Nadeau, entrepreneure et militante
- Charlène Nault, étudiant.e à la maitrise en linguistique
- Sarah Ouellet
- Camille Papineau, étudiante au collégial
- Carolane Parenteau-Labarre, candidate à la maîtrise en sociologie, survivante et militante
- Alice Paquet militante féministe et étudiante en histoire à l'Université du Québec à Montréal- Juliette Payer, Auteure et gestionnaire de communautés
- Klô Pelgag, autrice-compositrice-interprète
- Henri-June Pilote, Directeur général AlterHéros et créateur de contenu sur les enjeux LGBTQ+
- Pomme, autrice-compositrice-interprète
- Mathieu Portelance, humoriste et créateur de contenu
- Simon Portelance, auteur, musicien et humoriste
- Manon Poulin, Ph.D. Littérature, professeure et militante
- Camille Poulin-Thomas, intervenante en violence conjugale, étudiante à la maitrise en travail social, militante et survivante
- Frédérique Poulin-Thomas, tatoueuse, certifiée en Études féministes, survivante et militante
- Tina Pranjic, consultante en équité, diversité et inclusion
- Naila Rabel, actrice
- Marie-Hélène Racine-Lacroix, Autrice, illustratrice et humoriste
- Étienne René-Contant, étudiant en architecture du paysage et scénographe
- Sandrine Ricci, chercheuse et enseignante
- Delphine Richard
- Marie-Eve Rochon, éditrice musicale
- Sophie Sarrazin, étudiante à la maitrise en psychoéducation et militante
- Isabelle Sasseville, humoriste et survivante
- Sarah Seené, Photographe et cinéaste
- Gabrielle Shonk, autrice-compositrice-interprète
- Grace D. Singh, Cinéaste, artiste multidisciplinaire.
- Guy A. St Cyr, auteur et scénariste
- Andréanne St-Gelais
- Tanya St-Jean, militante féministe et spécialiste réseaux sociaux
- Mélissa Tardif, coordonnatrice administrative de production dans le milieu de la télévision
- Sandrine Thibault, artiste et militante
- Stéphanie Thibodeau, étudiant·e à la maitrise en éducation et militant·e
- Emel Thomas, militante et survivante
- Marianne Therrien, autrice et survivante
- Karelle Tremblay, artiste cinéma et musique
- Stephany Tremblay, technicienne en postproduction audio
- Jean-Philippe Tremblay, auteur et musicien
- Camille Trudel, Cinéaste et militante
- Patricia Tulasne, comédienne et porte-parole des Courageuses
- Rosie Valland, autrice-compositrice-interprète
- Eli Varvaro
- Fabrice Vil, avocat, entrepreneur social et chroniqueur
- Nora Villeneuve, militante et survivante, membre du collectif l'Escouade
- Guillaume Wagner, humoriste
- Ariane Zita, compositrice & illustratrice