Racisme

La face cachée de la censure : des étudiant·e·s se confient au sujet de la violence raciale sur les campus

« Les gens parlent de “cancel culture”, de censure, mais comment appelle-t-on cela, quand quelqu'un est forcé·e de quitter l’université parce que c’est un milieu trop hostile ? »
Photo: Wilfredorrh

Maïtée Saganash aurait dû se sentir en sécurité à l’université, mais celle-ci est plutôt devenue un terrain de chasse pour les hommes qui la détestent.

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Cet article a été initialement publié dans l'édition anglophone de Ricochet. Il a été traduit en français par Olivia Tapiero et Arianne Des Rochers.

Saganash était une élève modèle à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la seule parmi ses collègues à publier une chronique dans un quotidien. Oratrice hors pair, elle était régulièrement invitée à prendre la parole dans des conférences et à la radio.

Toutefois, sa popularité a fait d’elle une cible. Selon elle, le fait qu’une femme crie s’exprime aussi librement au sujet de la société québécoise ne faisait pas l'affaire de tout le monde.

Saganash a abandonné ses études en 2016, car elle ne se sentait plus en sécurité sur le campus. Elle s'y faisait harceler par des membres de l’extrême-droite québécoise, des gens s’immisçaient dans ses conférences pour l’intimider, et des hommes se moquaient d’elle dans un podcast populaire auprès de groupes extrémistes comme La Meute et Atalante Québec.

Deux de ces hommes suivaient des cours dans le même bâtiment que Saganash.

«Je ne demande à personne de blanchir l’histoire. Je crois simplement que ce serait une bonne chose de ne pas avoir à entendre ces mots-là prononcés à voix haute.»

«Ils faisaient circuler toutes sortes d’insultes à mon sujet et utilisaient un langage menaçant», explique Saganash, qui étudiait alors en science politique. «Ils ne cachaient pas leur haine. À une autre époque, j’aurais dit “Bon, je vais les confronter, riposter, me battre.” Mais je n’avais plus l’énergie de me battre contre eux. J’ai toujours aimé l’école avant ça. Ça me manque, mais je n’irai plus jamais à l’université à Montréal.»

Quand un membre de l’administration universitaire lui a finalement offert de l’aide, il était trop tard. Saganash était aux prises avec une dépression majeure, et s’automédicamentait avec de la drogue et de l’alcool.

Les choses vont beaucoup mieux pour elle aujourd’hui. Elle est sobre et rédige toujours des chroniques pour le journal Metro et dans The Nation. Mais elle est retournée en territoire cri pour se rapprocher de sa famille. Saganash travaille désormais en communication au Conseil cri de la santé et des services sociaux.

La cancel culture sur les campus ?

Ces temps-ci, au Québec, on entend beaucoup parler de la cancel culture, littéralement «culture du bannissement».

La Presse a récemment fait paraitre une série de cinq articles et chroniques sur la liberté académique. Ces textes présentaient des entrevues menées auprès de professeur·e·s blanc·he·s, qui disaient devoir pratiqué l’autocensure à cause d’une surveillance de leurs propose sans précédent de la part des étudiant·e·s.

Une professeure s’est fait taxer d’homophobie sur les réseaux sociaux parce qu’elle avait trop peur de donner un cours sur l’homosexualité pendant l’Antiquité. Un professeur d’histoire ne souhaitait plus aborder l’esclavage dans ses cours, de peur de se faire accuser de racisme par des hordes d’internautes.

«Un professeur m’a dit que [les étudiants] ne vont pas à l’université pour apprendre. Ils y vont pour faire la révolution», disait Isabelle Hachey, chroniqueuse à La Presse, en entrevue à Radio-Canada.

«Les gens parlent de “cancel culture” et de censure, mais comment appelle-t-on cela quand quelqu’un est forcé·e de quitter l’université parce que c’est un milieu trop hostile ?»

Tout a commencé l’année dernière, à l’Université d’Ottawa, quand une chargée de cours blanche a utilisé le mot en N dans une tentative maladroite visant à désarmer cette insulte.

La chargée de cours a subi un torrent de harcèlement en ligne, s’est fait réprimander par l’administration de son université, et a vu ses renseignements personnels circuler sur les réseaux sociaux. Tout ça à cause d’un lapsus, dit-elle.

Les politiciens de droite et centristes se sont emparés du scandale de l’Université d’Ottawa pour en faire un exemple des dérapages du politiquement correct. L’événement a fait l’objet d’innombrables chroniques et de nombreux débats à Radio-Canada, à TVA Nouvelles, et à CBC.

La semaine dernière, le premier ministre François Legault est allé encore plus loin. En plein milieu d’une pandémie qui a causé plus de 10 000 décès au Québec, il a affirmé que son gouvernement envisageait de légiférer quant à la protection de la liberté académique, dans le contexte des controverses entourant l’utilisation du mot en N et d’autres sujets délicats.

Toutefois, les gens comme Maïtée Saganash, pour qui le milieu universitaire est un endroit hostile à cause de la couleur de leur peau n’ont pas été pris en considération.

J’ai décidé de m'intéresser à l’envers de la médaille, et d’écouter ces gens pour qui le mot en N, les insultes et les attitudes désuètes ont fait de l’université un milieu hostile, voire même dangereux.

Voici leurs histoires.

Isolement et intimidation

Michèle Audette affirme que certain·e·s étudiant·e·s de l’Université Laval tentent de cacher leurs racines autochtones.

«Ces étudiant·e·s ne veulent pas se faire traiter différemment, ils ne veulent pas se faire intimider, ils ne veulent pas attirer encore plus d’attention sur eux», dit Audette, adjointe au vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes et de conseillère principale à la réconciliation et à l'éducation autochtone et membre de la nation innue. «Les gens me disent “Je ne veux pas que mes camarades de classe pensent que je suis entré·e par la porte d’en arrière grâce à un quota pour la diversité.”».

«Ces étudiant·e·s me disent craindre que leur accent ou la couleur de leur peau ne les trahissent. Ils ont peur, car le français n’est pas leur langue maternelle. C’est intimidant.»

Le campus de cette université compte 386 étudiant·e·s autochtones, et Audette rapporte que, chaque semaine, elle est appelée à aider un·e étudiant·e ou un membre du corps professoral pour résoudre un «problème».

Alors que la majeure partie du discours médiatique québécois brosse un portrait de professeur·e·s terrorisé·e·s par des étudiant·e·s qui portent plainte, il s’agit d’un portrait étant loin de la réalité, selon Audette.

La conversation publique a accordé beaucoup d’importance aux voix blanches jusqu’ici — aux professeur·e·s, aux gestionnaires et aux commentateurs·trice·s blanc·he·s qui disent avoir peur d’être «annulés» ou censurés par des adolescent.es engagé.es.

«Vous savez, 95 % du temps, on arrive à trouver une solution sans avoir recours à une plainte formelle», dit Audette, qui assurait anciennement la direction de l’organisme Femmes autochtones du Québec. «Les gens sont prêts à apprendre, à écouter, à faire la bonne chose.»

Kayla (nom fictif) connait trop bien les problèmes que décrit Audette.

Elle a entendu ses camarades de classe dire qu’elle avait seulement été acceptée à la prestigieuse faculté de droit de McGill pour remplir un quota. Et qu’elle avait tout cuit dans le bec, car le gouvernement fédéral payait ses frais de scolarité.

Personne n’a jamais pris la peine de lui demander si c’était vrai.

«J’ai dû travailler à quatre endroits différents pour payer mes études; le conseil de bande ne couvrait pas mes frais de scolarité, affirme Kayla, une Mohawk de Québec. Peut-être qu’ils ne s’en rendent pas compte, mais quand les gens disent des choses comme celles-là, ce qu’ils disent vraiment, c’est que tu n’es pas à ta place. Quand tu es la seule étudiante autochtone dans ta classe, tu te sens déjà assez isolée comme ça.»

«Si on ajoute les insinuations constantes selon lesquelles tu es moins bonne que les autres… ça devient assez brutal.»

En fin de compte, Kayla a quitté McGill, car son expérience était devenue trop négative.

«Les gens parlent de “cancel culture”, de censure, mais comment appelle-t-on cela quand quelqu’un est forcé·e de quitter l’université parce que c’est un milieu trop hostile ? demande-t-elle. J’ai été tutrice auprès d’un étudiant autochtone qui a dû abandonner ses études, car c’était trop dur à gérer. Je connais beaucoup de gens qui ont quitté les études pour les mêmes raisons.»

Kayla étudie maintenant au cycle supérieur en Ontario, mais le fait de changer d’établissement et de programme n’a pas facilité les choses pour autant. Elle dit que ses recherches en histoire ne sont pas toujours prises au sérieux parce qu’elle est autochtone.

«Parfois, il y a cette idée qui circule qui veut que, pour bien analyser l’histoire des Autochtones, il faut avoir une perspective externe, être un observateur neutre. Et neutre, dans ce contexte, ça veut dire blanc», dit Kayla.

«C’est cette perspective qui est considérée comme la vérité historique depuis des siècles. Maintenant, quand on remet ça en question, ce n’est pas de la censure, mais une perspective critique. C’est exactement ce qu’on est censé·e·s faire à l’université.»

«Y’a pas une année dans ma vie où j’ai pas entendu le mot en N dans un contexte négatif ou haineux. On est loin d’être passés à autre chose.»

Comme un grand nombre de ses camarades, Kayla préfèrerait ne pas entendre des insultes racistes prononcées à voix haute dans une salle de classe. Mais elle ne pense pas non plus qu’il faut réécrire l’histoire.

«J’ai déjà été dans un cours où une professeure blanche censurait le mot en N et tous les mots associés à l’identité des Noir·e·s, dit Kayla. Par contre, elle ne censurait pas les insultes qui touchaient les Autochtones et les Asiatiques. Elle disait que ces insultes-là étaient moins graves. Alors elle les prononçait à voix haute.»

«Je l’ai abordée, accompagnée d’une autre étudiante — la seule étudiante chinoise du cours — et on lui a dit que c’était blessant d’entendre ces mots. C’est déshumanisant, ça te rappelle que ton identité peut être réduite à cette chose haineuse.»

«Je ne demande à personne de blanchir l’histoire. Je crois simplement que ce serait une bonne chose de ne pas avoir à entendre ces mots prononcés à voix haute. On les retrouve dans des documents historiques et ça, on ne peut rien y faire.»

«Peut-être qu’il faudrait juste prévenir les élèves lorsque certains mots se trouvent dans un texte, et éviter de les prononcer à voix haute. Ce n’est vraiment pas si compliqué que ça.»

Les réalités des Noir·e·s ignorées

Jusqu’au jour où Philippe Néméh-Nombré a enseigné son premier cours à l’université, il n’avait jamais rencontré de professeur noir.

C’était il y a moins de deux ans.

Quand Néméh-Nombré entend les commentateurs parler de menace à la liberté académique, il ne peut s’empêcher de rire.

«Tout est à l’envers en ce moment, dit le candidat au doctorat à l’Université de Montréal. On traite les propos des minorités comme si celles-ci étaient au pouvoir, comme s’il s’agissait du groupe dominant. Il y a là une contradiction évidente. C’en est presque drôle.»

«Mais ce n’est pas drôle, c’est vraiment exaspérant de voir des gens se battre avec autant de virulence pour utiliser le mot en N. C’est bizarre. Mon impression, en ce qui concerne ce mot, c’est que les gens qui s’acharnent le plus pour pouvoir l’utiliser sont ceux qui ne travaillent même pas sur des enjeux touchant la communauté noire. C’est frappant.»

«Deuxièmement, ces gens-là sont dépourvus d’imagination. Comment ça se fait que leur réaction, quand quelqu’un dit “ça me blesse”, c’est d’affirmer “eh bien, j’ai le droit de te blesser” ? Quand des gens me disent que plus personne n’utilise ce mot ou bien qu’ils veulent juste l’utiliser dans un contexte académique, j’hallucine.»

«Vous savez, y’a pas une année dans ma vie où j’ai pas entendu le mot en N dans un contexte négatif ou haineux. On est loin d’être passés à autre chose.»

«C’est épuisant. On se retrouve à devoir répéter sans cesse les mêmes arguments, ou à chercher de nouvelles façons de dire la même chose, encore et encore.»

Au cours de ses études de maîtrise, Néméh-Nombré a exploré la notion d’intersectionnalité — une théorie selon laquelle les catégories sociales comme la race, le genre et la classe sociale s’entremêlent, ce qui crée des identités uniques et désavantage certains groupes. Autrement dit, si une personne est noire et qu’elle est aussi une femme, elle subit non seulement le racisme en tant que Noire et le sexisme en tant que femme, mais elle subit en outre des formes d’oppression propres aux femmes noires.

Si les études relatives à l’intersectionnalité sont pourtant monnaie courante en sociologie, le professeur blanc de Néméh-Nombré a refusé de reconnaître qu’il s’agissait là d’une théorie valable.

«Ce n’était pas un cas de “tu n’es pas le bienvenu ici”, mais c’était comme si mon travail et mes connaissances n’étaient pas les bienvenus, affirme Néméh-Nombré. Quand on voue sa vie à quelque chose, c’est important de sentir qu’on est à sa place, d’avoir un sentiment d’appartenance.»

Néméh-Nombré a voulu faire partie de la solution. Il a siégé sur des comités, a œuvré pour mettre en place des plans de lutte contre le racisme, et a fait de son mieux pour sensibiliser son université aux réalités des Noir·e·s au Québec. Il affirme que rien ne change.

«Tu donnes des heures et des heures de travail bénévole, puis on te demande juste de prendre une photo pour les relations publiques, et l’université passe à un autre appel, dit-il. C’est épuisant. On se retrouve à devoir répéter sans cesse les mêmes arguments, ou à chercher de nouvelles façons de dire la même chose, encore et encore. On lutte sans arrêt, et puis un jour on se rend compte qu’il n'y a peut-être personne qui écoute.»

Se cacher derrière la liberté académique

Amaria Phillips dit en avoir marre d’être «la représentante de l’ensemble des étudiant·e·s noir·e·s» à l’Université Concordia.

Elle affirme que, quoiqu’elle apprécie le fait que certain·e·s professeur·e·s s’efforcent de ne pas faire de faux pas, ils ont tendance à s’y prendre de la pire façon.

«La façon dont ça se passe en général, c’est qu’un professeur me demande — à moi, la personne noire — si telle ou telle chose est offensante ou non», dit Philips, qui a cofondé l’Association des étudiant·e·s noir·e·s à Concordia en octobre dernier. «Dans ces moments-là, je ne suis plus une étudiante, je deviens une sorte d’ambassadrice pour toutes les personnes noires. Je suis juste perçue comme une Noire. Rien d’autre.»

«Certaines des personnes les plus racistes que j’ai rencontrées détiennent un doctorat.»

«On ne pense pas tous la même chose. Ce que je trouve offensant, quelqu’un d’autre pourrait trouver ça acceptable. Et ce n’est pas tout le monde qui a l’énergie de se faire prendre à part pour donner son opinion sur un sujet aussi important.»

À la suite d’un incident où une professeure blanche de Concordia a utilisé le mot en N pendant son cours, Phillips a demandé à l’université de prendre des mesures pour éviter que cela ne se reproduise.

«C’était un cours sur le féminisme, pas la race. Elle a utilisé le mot pour provoquer les étudiant·e·s», dit Phillips, qui a consulté plusieurs de ses pairs qui étaient là durant l’incident. «On n’a pas besoin d’entendre ce mot prononcé à voix haute. Il devrait y avoir des conséquences quand le terme est utilisé de manière aussi irresponsable.»

«Les gens ne peuvent pas continuer à se cacher derrière la liberté académique. On est des adultes. Si vous dites “le mot en N”, tout le monde sait à quoi vous faites référence. Ce mot-là est traumatisant. On se fait insulter avec ce mot-là. Il fait ressurgir les pires souvenirs de nos vies. Ce n’est pas radical de ne pas vouloir l’entendre.»

Jouer à la patate chaude avec la haine

Dans la communauté noire, tout le monde n’est pas d’accord pour dire que les professeur·e·s blanc·he·s ne devraient pas utiliser le mot en N dans leurs cours.

Dany Laferrière est l’un des écrivains les plus célébrés au Québec. Il est l’auteur de Comment faire l’amour avec un n**** sans se fatiguer, œuvre maintes fois citée au cours des récents débats sur la liberté académique.

Le livre de Laferrière est un incontournable de la littérature québécoise contemporaine. Ceux qui défendent l’utilisation du mot en N en contexte universitaire craignent que, si on évite d’utiliser ce mot, une grande partie de l’histoire culturelle ne disparaisse avec lui.

Dans un article de blogue publié en octobre dernier, Laferrière écrivait qu’il ne fallait pas, selon lui, bannir ce mot sans en connaître toute l’histoire. Il suggérait que de se laisser blesser par ce mot revenait à donner du pouvoir aux racistes.

Il y a d’autres hommes noirs connus au Québec — comme Normand Brathwaite — qui croient qu’il ne faut pas bannir ce mot du discours public. Selon la cheffe du Parti libéral Dominique Anglade, les universités doivent être un lieu où il est possible d’explorer le mot en N dans un contexte approprié.

Anglade est la première femme noire de l’histoire du Québec à diriger un important parti politique.

Or, les propos de Laferrière sont aussi utilisés par des personnes blanches pour critiquer des journalistes et des intellectuel·le·s noir·e·s qui ne sont pas d’accord avec l’écrivain.

Émilie Nicolas, chroniqueuse au Devoir, est une de leurs cibles régulières. La semaine dernière, un homme blanc l’a identifiée dans une publication Twitter qui suggérait au Devoir de la renvoyer et de la remplacer par Laferrière.

Elle a décidé de répondre avec une blague.

«Je ne suis pas raciste, mais je pense que les Noirs sont des cartes pokémons que les médias pourraient s’échanger.»

En quelques jours, un groupe d’internautes a décidé d’attaquer le profil de Nicolas en le signalant en masse à Twitter. Son compte a été suspendu à cause de la blague sur les Pokémon.

«Des trucs comme ça, ça arrive tous les jours», dit Nicolas, qui est également chroniqueuse à la Montreal Gazette. «Ils contactent Brian Miles (le directeur du Devoir) pour lui demander de me renvoyer, ils photoshoppent mon visage sur Aunt Jemima, sans parler des attaques et des insultes personnelles.»

«Mon cas est un exemple parmi d'autres d’un phénomène beaucoup plus large. Ce n’est pas moi qu’on attaque, mais ce que je représente. Voir les choses comme ça, ça m’aide à vivre avec.»

S’il y a une crise de la censure au Québec, selon Nicolas, ce n’est pas celle qui est causée par des étudiant.es qui se plaignent. Et la querelle sur la liberté académique dérape et s’immisce dans le discours public.

«Quand l’une d’entre nous se fait harceler massivement en ligne, quand on se fait menacer, ça a comme conséquence que les autres femmes noires vont y penser à deux fois avant de prendre la parole, affirme Nicolas. On nous parle de censure. Alors ce phénomène-ci, on appelle ça comment ? Quand on le sait qu’on va faire l’objet d’attaques haineuses, c’est souvent plus facile de garder le silence, de rester en marge.»

«C’est difficile pour les jeunes personnes noires de faire entendre leur voix quand elles voient bien que les voix noires existantes se font démolir en public. Une des conversations qu’on a eues — quand je dis “on”, je parle de femmes noires, musulmanes, autochtones — c’est qu’on se demande : “Bon, qui a l’énergie d’encaisser tout ça cette semaine ?”»

«C’est comme une patate chaude. On se passe les enjeux de l’une à l’autre parce que c’est tellement épuisant, encaisser la haine des autres tout le temps.»

Saganash repense à son passage à l’université, et à sa décision de partir.

«J’ai quitté la ville parce que mes opinions déplaisent à certaines personnes, dit Saganash. Avec du recul, je constate que ces gens-là sont loin d’être des rednecks niaiseux.»

«Certaines des personnes les plus racistes que j’ai rencontrées détiennent un doctorat.»

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