Attentats de Paris

De la folie, rien de moins

Photo: Staff Sergeant Chelsea Browning

Dans les jours qui ont suivi les attentats de Paris, j'ai préféré garder le silence. Or, bien que le choc initial commence à peine à s'estomper, les décisions rapides de la France et de ses alliés, dont le Canada, nous forcent déjà à prendre position. Le débat est très mal engagé. Déjà, il s'enlise dans un faux dilemme : soit la guerre totale et l'état d'exception, soit rien du tout.

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Je ne suis pas expert en géopolitique et, contrairement à certains, ne prétendrai pas pouvoir fournir une analyse détaillée de la situation en Syrie. En tant que citoyen d'un pays actuellement impliqué dans la « guerre contre le terrorisme », je fais cependant un constat : la stratégie mise en place depuis 2001 ne fonctionne pas. Contrairement à ce que soutiennent les faucons en tout genre, le reconnaître n'est pas faire preuve de pacifisme dogmatique ou d'angélisme, mais de lucidité.

Il y a quelques temps, sur un plateau de télévision français, l'ancien Premier ministre français Dominique de Villepin lâchait une phrase lourde de sens : « La guerre contre le terrorisme ne peut pas être gagnée. La défaite est annoncée ». L'homme est un politicien de droite, pas un militant altermondialiste. Qu'il reconnaisse aussi clairement l'échec de la stratégie interventionniste en dit long. Toutes les interventions occidentales depuis 2001, de l'Afghanistan à la Libye en passant par l'Irak, ont été un désastre. Toutes se sont soldées par davantage de chaos et de violence. La montée en puissance de l'État islamique, nous disent tous les observateurs, est le résultat direct du vide politique créé par l'intervention américaine de 2003 en Irak. L'ironie est tragique.

Einstein disait que « la définition de la folie, c'est de faire sans cesse la même chose et d'espérer des résultats différents ». Si la tendance se maintient, ce que la France et ses alliés se proposent de faire correspond à cette définition : par une nouvelle guerre, faire mieux que ce qu'ils ont fait lors de leur précédente guerre.

Einstein disait que « la définition de la folie, c'est de faire sans cesse la même chose et d'espérer des résultats différents ». Si la tendance se maintient, ce que la France et ses alliés se proposent de faire correspond à cette définition

Fini l'hypocrisie

Il y a pourtant d'autres avenues à une énième intervention militaire occidentale. Plusieurs spécialistes le répètent depuis vendredi dernier : il faut impérativement couper l'approvisionnement en argent et en armes de Daech. Par les moyens de la diplomatie, n'est-il pas possible de faire pression sur tous ceux qui, de près ou de loin, arment ou financent le groupe terroriste?

Pour que cela soit possible, il faut cependant que les grandes puissances montrent l'exemple en mettant fin à la double-morale qui préside actuellement à leur politique étrangère. Marc Trevidic, juge d'instruction au pôle antiterrorisme de Paris de 2006 à 2015, s'en scandalisait récemment en entrevue : « La politique américaine, vous savez ce que c'est? C'est "on aime les fondamentalistes religieux, s'ils sont économiquement libéraux". C'est leur credo. C'est super, les Saoudiens; c'est super, le Qatar... parce qu'ils commercent! C'est tout ce qui nous intéresse. C'est un paradoxe total ».

Les régimes qui encouragent directement ou indirectement le terrorisme, qu'ils fassent actuellement ou non de la business avec les grandes puissances, doivent être isolés politiquement, économiquement et militairement.

La rhétorique guerrière des chefs d'État ne pourra pas masquer éternellement cette contradiction. Les régimes qui encouragent directement ou indirectement le terrorisme, qu'ils fassent actuellement ou non de la business avec les grandes puissances, doivent être isolés politiquement, économiquement et militairement. Tant que cette condition élémentaire ne sera pas remplie, comment peut-on demander aux citoyens occidentaux de prendre part à une intervention militaire meurtrière et coûteuse?

Il n’y a même pas deux mois, lors d'un des débats de chefs, Stephen Harper défendait un contrat de 15 milliards de dollars entre une entreprise canadienne de blindés et l'Arabie saoudite. On attend toujours de voir ce qu'en fera Justin Trudeau. Qui veut parier qu'il n'osera pas y toucher?

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