Projet de loi 70 sur l'aide sociale

Approche punitive, discrimination et mépris des droits des prestataires

Photo: Kheel Center

Le projet de loi 70 « visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi et à favoriser l’intégration en emploi » du gouvernement libéral a toutes les caractéristiques d’un ensemble de mesures visant à discipliner les prestataires face au marché du travail au dépens de leurs droits à un travail librement choisi et à un revenu suffisant.

Votre annonce ici
Vous n'aimez pas les publicités?
Les publicités automatisées nous aident payer nos journalistes, nos serveurs et notre équipe. Pour masquer les annonces automatisées, devenez membre aujourd'hui:
Devenez membre

Sous prétexte de faciliter l’emploi et de lutter contre le chômage, le ministre Sam Hamad présente une étrange défense du droit au travail. Pourquoi? Parce qu’il remet en cause des mécanismes devant permettre une intégration au travail qui respecte davantage la dignité des personnes. Parce qu’il abolit un service public comme Emploi Québec, ou modifie des lois, comme celle favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, ou encore parce qu’il affaiblit des institutions comme la Commission des partenaires du marché du travail. Ces changements, qui peuvent apparaitre complexes et techniques pour certain-e-s, auront des effets majeurs sur la vie de dizaines de milliers de personnes.

Le projet de loi prévoit la création du Programme objectif emploi afin d’élaborer pour chaque nouveau demandeur, dit « primo demandeur », au programme d’aide de dernier recours (aide sociale) un plan d’intégration à l’emploi, ce qui pourrait paraître une bonne chose si ce plan n’était pas conditionnel à l’obligation d’accepter tout « emploi convenable » sous peine de se voir imposer une réduction du montant de sa prestation. Le projet de loi repose donc pour l’essentiel sur une approche punitive, où le fardeau de la preuve n’est jamais du côté de l’entreprise ou du gouvernement, mais du côté de ceux et celles dont nous devrions au contraire prendre la défense.

Le projet de loi repose donc pour l’essentiel sur une approche punitive, où le fardeau de la preuve n’est jamais du côté de l’entreprise ou du gouvernement, mais du côté de ceux et celles dont nous devrions au contraire prendre la défense.

Quelle est la nécessité d’un tel projet? À quels problèmes spécifiques entend-il répondre? Nul ne le sait. Oui, le chômage existe et oui il faut le combattre. Là n’est pas la question. Mais assistons-nous à une augmentation insensée du nombre de prestataires de l’aide sociale? Bien au contraire; leur nombre diminue. Les mesures actuelles sont-elles à ce point inefficaces qu’il faille les remettre en cause? Ou s’agirait-il plutôt d’objectifs très différents, fondés sur une idéologie aveugle de la responsabilité individuelle? À l’encontre de ce que laissent entendre les promoteurs d’une telle idéologie, il n’est pas vrai que les plus vulnérables de notre société ont choisi leur sort et qu’ils profitent des efforts collectifs pour se la couler douce. À l’étranger, des mesures semblables ont été imposées au Royaume-Uni et au Danemark, avec des effets désastreux pour l’existence des milliers de gens qui se trouvent obligés d’accepter un travail sous peine de se retrouver sans moyen de subsistance. Au Québec, une personne sur dix n’a pas même la capacité de satisfaire aux demandes de base d’une vie décente, soit se loger, se nourrir et avoir accès à ce qui rend possible un minimum de vie sociale. Voulons-nous les aider, ou voulons-nous les punir pour délit de pauvreté?

La Ligue des droits et libertés (LDL) dénonce ce projet de loi qui marque un recul majeur pour tout ce qui touche le droit au travail ainsi que le droit à un revenu décent et qui est aux antipodes des principes énoncés dans la Chartre des droits et libertés de la personne du Québec.

La Ligue des droits et libertés (LDL) dénonce ce projet de loi qui marque un recul majeur pour tout ce qui touche le droit au travail ainsi que le droit à un revenu décent et qui est aux antipodes des principes énoncés dans la Chartre des droits et libertés de la personne du Québec. Elle dénonce également le fait que le PL 70 ne respecte pas le principe d’une prestation minimale, soit un seuil en deçà duquel une prestation ne peut être réduite. Dans son mémoire, la LDL explique les grandes lignes du projet de loi 70 et les principales raisons pour lesquelles elle le juge inacceptable. Il apparaît en effet nécessaire de bien comprendre les dangers réels représentés par la Loi.

Selon une enquête récente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, près de la moitié de la population du Québec a une opinion négative au sujet des prestataires d’aide sociale. Le projet de loi 70 joue cette carte populiste au lieu d’expliquer à la population une réalité complexe.

Il est plus que temps que le Québec tourne le dos à un discours idéologique pernicieux, taillé sur mesure pour favoriser le pouvoir des plus nantis au détriment des plus pauvres, et affronte les véritables défis d’une société digne de ce nom. Faire société, c’est se montrer capable d’efforts collectifs de solidarité. Faire société, c’est offrir aux personnes un travail qui respecte ce qu’elles sont en propre, et non les considérer comme de simples pièces interchangeables de l’économie.

Christian Nadeau, président, Ligue des droits et libertés

Poursuivez votre lecture...
Politique fédérale
Nouvelle élection, nouvelle saison du Plancher des vaches!
Ricochet
20 août 2021
L'Afghanicide 2/3
La victoire des marchands de mort
Martin Forgues
26 août 2021
Au Liban, l'environnement sacrifié (1/3)
Désastre écologique dans le fleuve Litani et le lac Qaraoun
9 août 2021